En 2003, j’avais écrit un article pour essayer de resituer l’Astrologie que je pratique et enseigne dans le paysage des différents courants astrologiques et approches ou systèmes explicatifs du ‘sujet’ (le tarot, l’ennéagramme, la numérologie, la chiromancie…). Relisant cet article, je vous livre dans ce nouveau ‘Fil des Planètes’, l’essentiel de ma réflexion qui m’animait alors. Quinze années se sont écoulées depuis et le sens de ma pratique n’a pas changé, je dirai même qu’il s’est approfondi. Quinze ans, n’est-ce pas le temps du demi-cycle de Saturne, planète de la réflexion, de l’approfondissement des expériences et du sens de la vie… ?
Retour à l’homme : la question du sens…
Alors que les sciences de l’Objet (par opposition aux disciplines ou sciences du Sujet) n’ont pas vocation de donner du sens à la vie individuelle, collective ou spirituelle de l’être humain — leur domaine de prédilection étant la description du monde, des phénomènes, leur compréhension sous l’angle de la mesure et du quantifiable — ne risquent-elles pas alors de laisser l’homme bien démuni face à lui-même et au mystère de la vie. Par conséquent, si l’astrologie développe excessivement sa dimension « physicienne » à la manière des sciences de l’objet en oubliant de remettre l’homme au coeur de sa pratique, ne risque-t-elle pas elle aussi de le ‘déréférencer’ dans son besoin le plus essentiel : trouver un sens à sa vie ?
Si nos efforts pour comprendre comment ‘fonctionne’ l’être humain partent de l’externe pour comprendre l’interne en oubliant d’interroger le lien qui unit profondément l’homme à son milieu, la séparation ne reste-elle pas entretenue entre l’homme et le monde. Dans le Symbolisme du Corps Humain Annick de Souzenelle nous rappelle la maxime du temple de Delphes exprimant la Sagesse Hermétique, « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux ». Cette maxime associée au principe postulé par l’hermétisme dans la Table d’Emeraude : « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, pour accomplir le miracle de l’Unité » nous donne je pense une clef importante pour restituer d’une part l’Homme dans le Monde et, d’autre part, le Monde en l’Homme, comme l’endroit et l’envers d’une même médaille, d’une même réalité secrète, les deux aspects manifestés étant reliés ainsi par « l’intérieur ».
La Sagesse Hermétique nous met donc sur la voie du sens. La réponse est à « l’intérieur », dans l’Homme, merveille des merveilles, sommet de la création selon la tradition biblique. C’est donc dans ce retour à l’Homme que nous devons à mon sens tenter de réconcilier les approches internes et externes de l’astrologie, symboliques et physiciennes, psychologiques et rationnelles.
Comme le dit le titre d’un ouvrage de Christiane Singer dont j’admire l’écriture sensible et nourrie de solides traditions judéo-chrétiennes : Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ? (Silesius) . Je ne résiste pas au plaisir de la citer :
« De quelle manière le visible est-il relié à l’invisible, le sacré au profane, le corps à l’âme ? Par mille fils emmêlés les uns aux autres et réunis en un nœud.
Des sages d’Asie Mineure demandèrent à Alexandre le Grand en désignant le nœud gordien : « Sais-tu de quelle manière les mondes sont reliés entre eux ? » Il répondit à ’la texane’ comme un quelconque ’terminator’ au rabais, par un geste qui lui valut l’admiration des sots : d’un coup de sabre ! En coupant en son milieu le nœud, il entérine le drame de l’Occident : la mort de la relation, l’ère de la dualité, le terrorisme du « ou bien, ou bien » qui traverse toute l’institution de notre imaginaire, du politique à l’informatique. Dès lors le prodigieux déploiement de la richesse qui habite entre les pôles, l’espace même de la respiration est sacrifié. Le monde moderne est né.
Que veut-dire ce nœud ? Ce nœud que, dans le commentaire talmudique, Dieu porte dans la nuque quand Moïse l’aperçoit de dos.
Le nœud exprime le mystère du monde créé. Rien n’est linéaire, ni causal, ni prévisible. Le nœud nous dit : prends soin du monde et de tout ce qui te rencontre. L’inattention te coûterait cher, te ferait rater les plus grands rendez-vous. Tu ne sais jamais à quoi le fil que tu tiens est relié de l’autre côté (c’est moi qui souligne). A l’autre bout. »
« Tu ne sais jamais à quoi le fil que tu tiens est relié de l’autre côté. » Cette sage parole me permettra de conclure à l’adresse des astrologues, qu’ils soient partisans de l’interne ou de l’externe, du côté de la psyché ou du côté de la raison, du symbolisme ou de l’expérimental. Gardons-nous bien de ne pas couper ce fil qui nous relie au réel, à la vie et à son mystère. Et sachons pratiquer une astrologie qui soit comme une grande respiration entre les deux rives du réel (l’objectivité et la subjectivité, la quantitatif et le qualitatif, le visible et l’invisible…), une astrologie ’nodale’ exprimant le mystère du monde créé à la conjonction des réalités et points de vue partisans qui trop souvent nous divisent. Telle est aujourd’hui mon utopie… à comprendre dans le sens qu’en donne Théodore Monod (scientifique naturaliste biologiste, explorateur, érudit et humaniste français, selon Wikipédia, et j’ajouterai homme libre et anarchiste chrétien dans les pas du Christ) : l’utopie est non pas l’irréalisable mais l’irréalisé… (à poursuivre donc !)
Gwen, 16 janvier 2019