En matière de recherche, outre les statistiques, existe-t-il d’autres voies, d’autres méthodes pour valider le signal astrologique ? Esquisses de quelques voies de recherche dans le conditionalisme…

« Les statistiques ne peuvent révéler du comportement humain que sa part prévisible, non sa part imprévisible, qui est pourtant celle dont les effets sont historiquement les plus lourds de conséquences 1»(Michael GUILLEN)

Avant de commencer, permettez-moi de vous parler de photographie. Cela n’a peut-être pas grand chose à voir avec notre sujet, mais je connais bien cette discipline pour l’avoir pratiquée pendant mes années d’étude. Je connais moins les statistiques, je ne suis pas statisticien, malgré quelques notions apprises à l’école et une curiosité naturelle pour comprendre.

Au début de l’invention de la photographie on croyait à sa valeur objective, la photographie accréditait la réalité par son statut présumé d’objectivité. C’est ainsi que la photographie fut souvent utilisée comme pièce à conviction dans les tribunaux. Aujourd’hui, on mesure toute la relativité de l’objectivité photographique. L’oeil du photographe, ses choix, ses intentions, et même selon Franco Vaccari l’inconscient technologique 2 de la caméra ne sont pas neutres. Sans parler des possibilités de créer de vraies-fausses photographies par la magie du traitement informatique (je pense aux photos numériques et aux images de synthèse).

Vous vous doutez bien que si j’insiste sur cette discipline qu’est la photographie ce n’est pas en toute innocence, car comme la photographie les statistiques n’ont pas de valeur explicative mais ne valent que par le regard qu’elles portent sur la réalité. Car avant d’être une mesure quantitative les statistiques sont une observation et d’entrée se pose le problème de la ressemblance entre la photo ou la prise de vue statistique et la réalité ? Comme une photographie, les statistiques témoignent de l’observation d’un phénomène. Comment donc apprécier sa valeur objective ? Ne faut-il pas s’interroger en premier lieu sur la nature de ce regard ? Ces questions d’épistémologie posent en amont de notre sujet (la validation du signal astrologique) le problème de la validité des statistiques en tant qu’instrument d’observation. On voit toute la complexité du sujet que j’ai à vous exposer.

Aussi, pour ne pas m’y perdre, et vous perdre par la même occasion, et puisque le temps de l’intervention est limité, je me bornerai à jeter un regard sur les statistiques utilisées dans la recherche en astrologie, en posant quelques questions : quels sont les postulats ou hypothèses des études réalisées, quelles sont les corrélations qui ont été observées ?

Dans un second temps, j’essaierai de vous montrer les limites et les dangers de l’utilisation des statistiques dans les sciences humaines, domaine où les variables sont nombreuses et les concepts encore mal définis.

Puis, en prenant pour exemple cette nouvelle science du début du XIXe siècle que fut la phrénologie (ou cranioscopie, inventée par F.J. Gall), j’essaierai de vous montrer les écueils et dérives que l’étude statistique appliquée à l’astrologie doit éviter pour ne pas subir le même sort de cette nouvelle science devenue pseudo-science.

Enfin, je tenterai, au regard des théories conditionalistes, de définir des hypothèses et pistes de recherches statistiques adaptées à leur objet d’étude. Je laisserai le soin aux autres intervenants de nous proposer d’autres méthodologies ou d’autres voies de recherche.

Quelques définitions avant d’aller plus loin

SIGNAL : Un signal est une information. Une information concrète (une variation énergétique par exemple) susceptible de modifier le récepteur humain ou non-vivant qui la reçoit et la traite. Ce signal au retentissement interne variable selon la nature et l’état du récepteur agit comme un stimulateur et s’accompagne généralement d’une réponse également variable selon les contraintes du milieu (adaptation). A ce titre la lumière peut être considérée comme un signal. Le signal lumière peut provoquer toutes sortes de réponses : de l’excitation sexuelle des pinsons provoquée par l’accroissement des jours au bronzage d’été qui est une réaction de protection de la peau. La variation cyclique de ce signal est source de réactions d’adaptations différentes selon les espèces concernées. On connaît de mieux en mieux les effets des variations d’ensoleillement sur le moral des homo-sapiens que nous sommes.

Sur le terrain de l’astrologie, il est évident que le signal lumière aura son importance. Le zodiaque des signes y faisant référence, du moins pour le cycle solaire. Mais les travaux des conditionalistes laissent supposer que d’autres signaux physiques pourraient êtres reçus et traités par l’espèce humaine : les micro-gravités et électromagnétisme (rayonnement thermique) en feraient partie. Je parle au conditionnel car nous en sommes encore au stade des hypothèses.

STATISTIQUE : Ce terme désigne généralement aussi bien des ensembles de données d’observation que des méthodes de description et d’analyse de ces données.

Les statistiques utilisées en astrologie sont souvent des statistiques de corrélation qui s’appuient sur les concepts issus de la science des probabilités. Science qui étudie les lois gouvernant l’imprévisibilité des populations (humaines ou non-vivantes, les morts pouvant ou non en faire partie !). C’est-à-dire qu’à l’échelle collective, existent des lois qui prévoient les comportements d’ensemble de telle ou telle population, alors qu’à l’échelle individuelle aucune loi ne peut prévoir, par exemple, la vitesse d’une molécule d’air dans une pièce. A l’échelle collective des molécules d’air les probabilités montrent que leurs vitesses se répartissent selon une courbe caractéristique (ou courbe de Gauss) qui aura toujours la même allure quelles que soient les conditions d’expérience ou d’observation.

Les statistiques qui s’appuient sur ces notions probabilistes fournissent donc des outils de calcul pour identifier les traits déterministes d’un comportement collectif qui, au niveau individuel, reste largement aléatoire.

L’utilisation de ces statistiques en astrologie a pour objet de faire apparaître une relation ou corrélation qui pourrait exister entre un facteur lambda (un bon aspect planétaire, par exemple) et une disparité observée dans la comparaison d’une population testée et d’une population de contrôle théorique. Les caractéristiques de la population testée seront comparées aux caractéristiques théoriques que l’on est en droit d’attendre des lois de probabilité. Et s’il apparaît que la disparité observée n’est pas imputable au hasard, on estime alors que ce facteur lambda est corrélé à celle-ci. On s’assurera, afin de pouvoir valider ce lien, que l’étude statistique est conforme à un certain nombre de critères de validités externes et internes. On reviendra sur ces notions dans l’exposé.

Abordons maintenant notre premier point :

1 – Quels sont les postulats ou hypothèses des études réalisées en astrologie, quelles sont les corrélations qui ont été observées ?

Présentation des études

Parmi les auteurs qui ont réalisé des études statistiques, celles de Michel Gauquelin sont les plus connues. Avant lui, Paul Choisnard , Karl E. Krafft et L. Lasson ont tenté des études hélas très critiquables du point de vue de la méthodologie : utilisation d’échantillons trop petits, négligence des facteurs démographiques et astronomiques. Mais qu’entend-t-on par facteur démographique et facteur astronomique ?

Et bien, on sait par exemple que démographiquement les naissances sont plus nombreuses au printemps qu’en hiver, il y a donc statistiquement plus de Bélier que de Capricorne. C’est un facteur à prendre en compte si l’on veut que l’étude statistique soit valable.

Astronomiquement, certains signes se lèvent plus rapidement que d’autres : le Bélier a une durée moyenne d’ascension d’environ 1 heure, sous nos latitudes, alors que le Scorpion a une durée d’ascension d’environ 2h40, le hasard privilégie donc les ascendants Scorpion au détriment des ascendants Bélier. D’autres irrégularités existent, leur connaissance permettra au chercheur de calculer ses échantillons de contrôle théoriques.

Michel Gauquelin, avisé de ces questions, a pu réaliser des études plutôt bien menées du point de vue de la méthode 3. En effet, les irrégularités démographiques et astronomiques sont prises en compte pour constituer les échantillons de contrôle théoriques. Ses études montrent des corrélations entre les positions de certaines planètes (Mars, Jupiter, Saturne, Vénus, Lune) et des professions ou traits de caractère. Selon cet auteur « Les savants naissent [par exemple] plus souvent que le veut le hasard avec la planète Saturne au lever et à la culmination 4. »

Plus près de nous Jean Barets a publié en 1977 chez Dervy une étude fort sérieuse 5 se proposant de démontrer l’influence de certains transits sur la promotion de carrière d’hommes politiques.

Encore plus près de nous Madame Suzel Fuseau-Braesch a réalisé une étude statistique sur les jumeaux 6 et l’équipe du RAMS (Recherches Astrologiques par des Méthodes Scientifiques) dont elle fait partie a fait paraître récemment (Cahiers du RAMS n°5 de janvier 1997) une étude statistique sur les promotions de carrière de 145 politiciens. Etude prolongeant les travaux de Jean Barets.

Quels sont les postulats astrologiques de ces études ?

Ces études prennent toutes en compte un facteur astrologique (position d’une planète en secteur, d’un aspect de transit sur tel ou tel point du ciel, proximité d’une planète à un angle du ciel, position d’une planète en signe) pour tenter de faire apparaître une corrélation avec une réponse psychologique (un trait de caractère) ou comportementale (profession). Ces études présupposent une relation simple, de toute apparence causaliste ou déterministe, entre un facteur astrologique pris isolément dans l’ensemble du thème et une réponse devant ressembler à un trait de caractère ou à un comportement clairement identifiables. Elles excluent donc l’interférence de facteurs extra-horoscopiques (contexte culturel, familial, historique, etc.) pouvant venir modifier, amplifier ou contrarier les corrélations obtenues.

Nous arrivons maintenant au 2e point de notre exposé :

2 – Limites et dangers de l’utilisation des statistiques dans les sciences humaines, domaine où les variables sont nombreuses et les concepts encore mal définis.

L’utilisation des statistiques en astrologie comporte un certain nombre de risques non négligeables. La quantité des variables ou facteurs en jeu dans la relation étudiée, relation qu’on voudrait simple et pure de toute interférence pour les besoins de l’étude ou par hypothèse de travail (postulat astrologique de causalité linéaire), pose des problèmes de validité. En effet, comment peut-on s’assurer que les observations (par exemple une promotion de carrière ou une profession) sont liées exclusivement au facteur étudié (un transit ou une planète angulaire) lorsqu’on sait l’importance des nombreux conditionnements (variables d’environnement) indissociables du sujet.

D’autre part, si le respect d’une méthodologie rigoureuse garantit le sérieux de l’étude, la validité de celle-ci repose quant à elle sur la vérification de son hypothèse de départ. L’hypothèse devant précédée l’étude et prévoir les résultats observés. Ce qui m’amène à poser deux autres questions :

a – Comment peut-on s’assurer que les hypothèses ne sont pas formulées après étude ? Cela demande beaucoup d’honnêteté de la part du chercheur. La répétition de l’étude par d’autres chercheurs et sur d’autres échantillons doit permettre de s’assurer de cette condition.

b – Comment éviter les interférences de facteurs inconnus dans les groupes étudiés vu qu’a priori on ignore encore la nature et les modalités de l’influence du signal astrologique ? Et a fortiori, en l’absence d’une véritable théorie astrologique sur laquelle fondée les hypothèses de travail, peut-on mener une recherche scientifique valable ? Dans le domaine des statistiques, comme ailleurs, la célèbre formule de Pasteur reste valable : « Il n’y a pas de faits sans théorie pour les acceuillir ».

A ma connaissance, toutes les études statistiques menées jusqu’à ce jour s’appuient sur des règles astrologiques dont la cohérence reste à établir. En tout cas, ces règles ne font pas l’unanimité parmi les astrologues, ni parmi les chercheurs.

Mais, la faiblesse majeure de ces études résident, selon moi, dans l’utilisation d’éléments fragmentaires coupés de la globalité du thème. Exemple : on teste l’influence du signe solaire sur le caractère sans prendre en compte les configurations planétaires qui peuvent modifier, contrarier la tendance de ce signe. Un Bélier « R » et un Bélier « t » peuvent avoir, du point de vue conditionaliste, des comportements ou caractères opposées selon la grille ou le test d’évaluation psychologique utilisé.

Un autre problème de validité lié à l’utilisation de tests psychologiques durant l’expérimentation surgit de nouveau. Car un questionnaire mal conçu peut introduire un biais pouvant interférer avec les résultats et affecter la validité interne de l’expérimentation. Ce phénomène est connu sous le nom d’effet d’instrumentation. Il concerne l’instrument de recueil de données mais peut également concerner « un enquêteur mal formé ou un chercheur incompétent lorsque le rôle de l’interprétation est important dans la recherche 7. »

On devra donc s’assurer de la compatibilité de ces tests avec la typologie astrologique. Et il semble bon, comme l’a suggéré Jean-Pierre Nicola 8, d’établir une grille de codage commune entre astrologues et expérimentateurs. Les uns « codifiant techniquement les ciels de naissance » et les autres « codifiant logiquement », à partir de la même grille, les portraits des sujets étudiés. Cette grille jouerait ainsi le rôle d’une d’interface neutre évitant les projections des uns et des autres. Et la comparaison statistique de ces grilles gagnerait en validité interne. Cet accord préalable sur un langage typologique et logique (permettant un recensement informatique) semble en effet un bon moyen de réunir astrologues et non-astrologues autour d’un enjeu dépassant les convictions de chacun.

Il apparaît à la lueur de toutes ces considérations que les études de M Gauquelin, malgré leur sérieux méthodologique, portent néanmoins le flanc à un certain nombre de critiques : la non prise en compte de variables extra-horoscopiques (contexte social ,par exemple) peut affaiblir considérablement la valeur de ses résultats. Et justement s’il ne trouve pas de résultats probants pour les planètes Soleil, Mercure, Uranus, Neptune ou Pluton, ou pour les signes et aspects, cela ne tient-il pas à l’inadéquation de ces hypothèses de travail ? Il tombe pourtant sous le bon sens que l’expression d’un caractère liée à une fonction planétaire ou à un conditionnement particulier peut être contrariée ou amplifiée par le jeu d’autres conditionnements (contexte social, familial, etc.). Un sportif « marsien » a-t-il la même chance de « percer  » dans sa discipline quel que soit son milieu social d’origine, par exemple? Il est des facteurs extra-horoscopiques dont la force ou le pouvoir inhibiteur peuvent sérieusement infléchir le « destin » ou le caractère d’un sujet qu’indique pourtant son ciel de naissance.

Une autre faiblesse dans les statistiques de M. Gauquelin réside dans l’utilisation de données de naissance dont la plupart se situent entre la deuxième moitié du XIXe siècle et le début du XXe siècle. Or, selon une analyse de données que j’ai réalisée sur la base d’un échantillon d’environ 1500 données de naissance recueillies auprès de l’Etat-Civil 9, il apparaît qu’à ces époques plus de 2 naissances sur 3 ont lieu à des heures sonnantes. Ce qui signifie que ces heures de déclaration à l’Etat-Civil sont largement arrondies à la ½ heure près. Ce qui fausse, on s’en doute, les fréquences de répartition des planètes en secteur (partition du mouvement diurne des planètes) et affaiblit considérablement la validité interne des études de M. Gauquelin.

Ce problème de précision des heures de naissance apparaît donc comme un obstacle sérieux pour la réalisation de toute étude astrologique. Comment s’assurer de l’heure réelle de naissance? L’heure déclarée correspond-elle à l’heure naturelle de naissance? Comment maîtriser ce flou qui entoure l’heure réelle de naissance? Quelle est donc la règle pertinente à adopter?

Ces questions nombreuses sont inévitables et montrent l’importance de posséder et de maîtriser un certain nombre de concepts astrologiques pour apprécier de la pertinence de telle ou telle hypothèse de travail ou de tel ou tel facteur ou variable d’expérimentation. L’école conditionaliste forte d’une théorie cohérente sur le zodiaque, les planètes, et les aspects peut être à même d’orienter profitablement la recherche statistique vers des voies moins hasardeuses car, comme nous le rappelle Jean-Pierre Nicola, « les chiffres ne sont rien sans l’esprit. Ils ne découvrent et n’inventent rien d’eux-mêmes 10« 

La faiblesse théorique d’une discipline peut donc conduire à des dérives, et, il peut être utile de rappeler ici, le sort que connu la Phrénologie au siècle dernier. L’aventure de cette nouvelle science d’hier n’est pas sans points communs avec celle, aujourd’hui, de l’astrologie. Et cette brève histoire de la phrénologie que je vais vous présenter rapidement « mérite, selon l’épistémologue J.L. Moigne, d’être méditée par tous les acteurs engagés aujourd’hui dans la promotion des nouvelles sciences 11. »

La Phrénologie

« La phrénologie fut une nouvelle science lorsqu’elle apparût vers 1800. Son objet est « l’étude de la correspondance entre les configurations du crâne et les penchants, les talents et les instincts, les dispositions morales des hommes ». Son inventeur, F.J. Gall proposa une carte des protubérances permettant d’évaluer par palpitation digitale du crâne les capacités d’un sujet à l’amitié, à la prévoyance, à la finesse… où à l’instinct criminel 12! »

La phrénologie connue un rayonnement dans toute l’Europe et Auguste Comte (père du Positivisme) se passionna pour cette science jusqu’à apporter son soutien à la fondation de la Société Parisienne de Phrénologie en 1828. « Cette nouvelle science cessa d’être une discipline enseignée lorsqu’on découvrit que « l’interposition des méninges et du liquide céphalo-rachidien entre la boîte crânienne et les circonvolutions cérébrales » rendait peu plausible une correspondance entre la première et les secondes… et donc entre la forme du crâne et les dispositions morales du sujet 13! »

On a là un bel exemple où la non connaissance d’une variable peut fausser l’interprétation d’un phénomène observé. Ici le liquide céphalo-rachidien de la phrénologie, là un signal astrologique complexe et encore partiellement inconnu pour l’astrologie.

3 – Hypothèses et pistes de recherches conditionalistes.

Selon les théories de l’école conditionaliste la nature de la relation Homme-Ciel tiendrait plus d’un conditionnement que d’un déterminisme. Et si déterminisme il y a, celui ci ne se confond pas avec un causalisme linéaire et mécanique. On sait que la relation entre êtres vivants et environnement n’est pas simple. En effet, l’approche systémique (cf. Pour une Nouvelle Ecologie de la pensée de Grégory Bateson, Le Macroscope de Joël de Rosnay) nous a montré l’importance des notions de « niveaux d’organisation », de « totalité organisée » et de « non-linéarité des interactions ». Si l’on pense à la chaîne alimentaire par exemple, et bien cette chaîne n’est pas linéaire, et elle n’a ni début ni fin. En fait, elle ressemble davantage à une boucle. Et chaque maillon de cette boucle peut avoir un effet global sur l’ensemble. Le modèle de causalité linéaire classique ne marche plus pour décrire l’évolution d’un tel système. Car dans une telle boucle l’effet peut interagir sur la cause par rétroaction. Si l’on prétend, par exemple, que c’est l’augmentation des prix qui est la cause de l’augmentation des salaires. Du point de vue causaliste on a raison. Mais d’un point de vue global ou systémique il apparaît que c’est l’augmentation des salaires qui entraîne l’augmentation des coûts de production et donc des prix. Les prix et les salaires se trouvent donc pris dans une relation en boucle et notre causalisme linéaire ne marche plus.

Pour compliquer un peu, il est facile d’imaginer que ces boucles ne sont pas aussi parfaites qu’on le souhaiterait. Certaines sont ouvertes sur l’environnement: des agents extérieurs peuvent agir, venir perturber et modifier l’évolution de celles-ci. On remarquera d’ailleurs que c’est cette ouverture qui rend possible l’adaptation. D’autres sont interreliées si bien que toute tentative d’analyse devient impossible. Et isoler un élément revient à détruire sa relation à l’ensemble, avec le risque de voir sa signification nous échapper. Toutes ces notions peuvent d’aileurs nous amener à réfléchir sur la difficulté du traitement statistique car comment peut-on tenir compte des niveaux d’organisation et des variables interconnectées dans le recueil de données ?

Par ailleurs, l’approche conditionnelle de l’astrologie, bien que non déterministe, ne rejette pas toute approche prédictive. Car le conditionnement peut être vu, au-delà de l’association (spacio-)temporel d’un stimulus et d’une réponse, comme un processus par lequel les organismes acquièrent une information prédictive sur la structure de leur environnement. Et il est d’ailleurs remarquable à ce titre que l’homme ait pu étendre ses capacités d’adaptation aux cycles et rythmes des horloges planétaires.

La première conséquence de cette conception conditionnelle du signal astrologique serait la mise en place d’études statistiques intégrant les variables contextuelles qui ne sont pas dans l’horoscope des sujets étudiés : âge, condition sociale, éducation, par exemple. Pour reprendre une ancienne proposition faite à Michel Gauquelin par Jean-Pierre Nicola que je cite: « La planète Mars étant, du côté des vocations, prédominante chez les militaires, les sportifs, les savants, pourquoi ne pas reprendre les échantillons et coder pour ces catégories professionnelles, le milieu social des géniteurs, en se fixant (…) un barème objectif (salaires, nombre d’enfants, coût du loyer, etc.). Nous jugerons, statistiquement, si un Mars dominant de n’importe quelle classe sociale a autant de probabilités de devenir sportif que médecin (…). Avec des chiffres pour en débattre et mesurer l’ampleur de conditionnements différents, voilà une voie qui trancherait sur le caractère absolu ou relatif (conditionnel) de l’astrologie. »

Cette conception conditionnelle de l’influence astrale pourrait être, j’en suis persuadé, un terrain fertile pour l’élaboration de nouvelles stratégies d’expérimentation. Mais reste à trouver, comme pour toute recherche, des moyens financiers qui, eux, ont peu de chance statistiquement de tomber du ciel!

L’apport conditionaliste ne se situe pas seulement dans sa vision conditionnelle de la relation Homme-Ciel. Jean-Pierre Nicola a donné à cette école un langage conceptuel et logique susceptible d’améliorer les protocoles par une meilleure formulation des hypothèses et des tests psychométriques. Les formules réflexologiques zodiacales (V+, L+, V-, L-) peuvent permettre, par exemple, de coder de façon analytique et logique, dans un langage impersonnel, toute la richesse et la variété des réponses humaines.

Mais surtout, grâce à la référence au neuro-physiologique, il doit être possible de court-circuiter le niveau psychologique, c’est-à-dire réduire considérablement le nombre de variables en jeu et s’assurer ainsi d’une plus grande stabilité dans l’expérimentation. A ce niveau la mesure instrumentale pourrait avantageusement remplacer les questions des tests psychométriques. On ne questionnerait plus un sujet, mais on mesurerait grâce à un appareillage technique à imaginer (peut-être les mêmes appareils dont se servent les psychogénéticiens pour mesurer les performances des bébés soumis à diverses situations) la mobilité, la force, l’équilibre des réactions des sujets à étudier.

Le R.E.T. qui codifie les niveaux d’excitabilité de l’activité nerveuse en rapport avec les niveaux d’intensification du champ de gravitation solaire doit pouvoir permettre, lui aussi, des expérimentations instrumentales. Sans vouloir anticiper sur l’intervention de Jean-Paul Citron, les niveaux R.E.T. seraient repérables aux plans moléculaire et biochimique du récepteur humain. Il y a là, c’est certain, de réelles pistes de recherche en laboratoire.

A un niveau plus haut, et je pense par exemple, à celui du langage, le R.E.T. pourrait exister dans les structures d’énonciation qui dominent dans l’expression spontanée d’une personne. Je m’explique : la famille ‘r’ du R.E.T, à vocation simplificatrice, pourrait conditionner les structures affirmatives de la langue; la famille ‘t’, complexifiante, pourrait favoriser l’utilisation des structures interrogatives; et la famille ‘e’, en rapport avec l’intensification du niveau duel, pourrait favoriser l’usage des formes expressives et émotionnelles (interjections). C’est-à-dire que l’organisation syntaxique du langage pourrait refléter nos sensibilités particulières aux divers champs gravitationnels (fort, moyen, faible) du système solaire. En effet, si le système nerveux est capable de réagir aux signaux planétaires, il n’est donc pas impossible d’imaginer une relation entre le langage – expression la plus haute du système nerveux – et le conditionnement cosmique – le plus grand ou le plus « haut » que nous connaissons.

Dans un autre domaine que le nôtre, et pour tenter une comparaison, l’application de la théorie des catastrophes de Renée Thom à la linguistique a permis de jeter un pont entre l’activité cérébrale et le langage. Selon le mathématicien Cristopher Zeeman, il y aurait derrière le langage « des bifurcations d’un système dynamique décrivant l’activité neurologique 14« . Renée Thom a proposé une modélisation de ces bifurcations, appellées aussi catastrophes (il y en aurait sept élémentaires). Dans cette modélisation, chaque catastrophe est représentée par une surface géométrique singulière (telles le pli, la fronce ou la queue-d’aronde) qui permet de comprendre l’évolution non-graduelle d’un système dynamique. Sur ces bases théoriques le langage – avec ses noms, ses verbes et sa syntaxe – serait en quelque sorte le reflet ou l’expression d’une dynamique sous-jacente contrôlée par quelques figures génératives que sont les sept catastrophes élémentaires 15.

Ce détour par la théorie des catastrophes, m’a semblé utile pour vous donner une idée de la richesse investigatrice qu’une théorie qualitative – qui n’est pas sans rappeler l’astrologie – peut permettre dans des domaines apparemment éloignés de ses préoccupations mathématiques originelles.

Et pour revenir à notre propos, l’application du R.E.T. en linguistique me laisse penser qu’il y a peut-être là une voie de recherche où astrologues et linguistes pourraient collaborer. Car derrière le langage et ses formes d’expression pourrait bien se cacher un modèle d’organisation en multi-niveaux. Organisation en interférence avec notre environnement planétaire et dont le modèle R.E.T. permettrait de rendre compte.

Si les différentes formes d’expression du langage utilisées dans l’expression spontanée d’une personne peuvent se coder en langage R.E.T., il doit alors être possible d’entrevoir de nouvelles voies de recherches sur le terrain de la linguistique. Terrain, peut-être plus fécond que celui de la psychologie.

Enfin, pour terminer, (puisque le temps de l’exposé arrive à son terme), permettez-moi de sortir du cadre de notre sujet pour tenter quelques envolées futuristes… bien que déjà actuelles dans certains domaines de la science d’aujourd’hui

La définition du modèle R.E.T. conditionaliste en multi-niveaux, le place de plain-pied avec les modèles issus des sciences cognitives. Modèles que l’intelligence artificielle a héritée et mise en œuvre par l’élaboration de systèmes experts et de robots, peu ou prou intelligents. Il y a peut-être dans cette voie cognitive des chemins à explorer, des robots astrologiques à penser et à construire. Pourquoi pas? Aujourd’hui, des chercheurs 16 découvrent, grâce aux simulations neuronales, les comportements inattendus de nos fibres sensibles. Il y aurait une intelligence sans support symbolique au cœur des processus de la vie. Intelligence qui serait le fruit d’une codétermination entre environnement et mécanismes internes vitaux. On retrouve ici, l’idée d’un lien où l’environnement est acteur autant que le sujet. L’intelligence ne serait pas l’apanage du niveau R du R.E.T., en relation avec le pouvoir des représentations, car le niveau ‘E’, en relation avec le pouvoir des faits, pourrait bien avoir lui aussi sa part d’intelligence. Tant pis pour ceux qui voient encore en la planète Mars le signe de l’agressivité primaire et guerrière 17. Car, centre du R.E.T., sa fonction auto-organisatrice et distributrice des niveaux ‘R’ et ‘T’, pourrait bien exprimer cette intelligence organique et constructive qui semble être, selon le neurobiologiste Francisco Varela, l’enjeu des sciences et techniques cognitives de demain 18.

(Gageons que l’astrologie moderne y aura sa part… )

Patrick Le Guen (1997)
Article paru dans les Actes du colloque : « Astrologie : une science en marche » (colloque organisé par le COMAC au Fiap de Paris le 7 juin 1997)

Notes :

  1. Guillen (Michael), Invitation aux mathématiques, Paris, Albin Michel, coll. « Points Sciences », 1992.
  2. Vaccari (Franco), La Photographie et l’Inconscient technologique, Paris, Créatis, coll. « L’Encre et la Lumière », 1981.
  3. Gauquelin (Michel), C’est écrit dans les astres, Puiseaux, éd. Pardès, coll. « Kosmos », 1991.
  4. Fuzeau-Braesh (Suzel), L’Astrologie, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », n° 2481, 2e éd. , 1992.
  5. Barets (Jean), L’Astrologie rencontre la science, Paris, Devy-Livres, coll. « La Roue Céleste », 1977.
  6. Fuzeau-Braesh (Suzel), Astrologie : la preuve par deux, Paris, Robert Laffont.
  7. Evnard (Y.), PRAS (B.) et Roux (E.) , « Processus et plan d’études », Etudes et recherches en marketing, Nathan, 1993, p. 66.
  8. Nicola (Jean-Pierre), « Edito », Cahiers Conditionaliste, n° 24, Saint-Denis-sur-Huisne, COMAC, 1994.
  9. Le Guen (Patrick), « Analyse de données portant sur la précision des heures de naissance de l’Etat-Civil en France », Cahiers Conditionaliste, n° 26, Saint-Denis-sur-Huisne, COMAC, 1997.
  10. Nicola (Jean-Pierre), « Bilans comparés », Anthologie astrologique, 1980-1986, Saint-Denis-sur-Huisne, COMAC, 1993, p. 18.
  11. Le Moigne (Jean-Louis), « Epistémologies constructiviste et ciences de l’organisation » in Martinet (A.C.), Epistémologie et Sciences de gestion, Paris, Economica, coll. « Gestion », 1990.
  12. (Ibid.
  13. Ibid.
  14. Zeeman (E.C.), « Réplique à Renée Thom », Apologie du logos, Hachette, coll.  » Histoire et Philosophie des Sciences « , 1990.
  15. Thom (Renée), « La théorie des catastrophes : état présent et perspectives », Ibid.
  16. Varela (Francisco J.), Invitation aux sciences cognitives, Paris, Editions du Seuil, coll « Points Sciences », nouvelle édition, 1996.
  17. Nombreux auteurs symbolico-magistes.
  18. ibid. p.112-123