Entretien avec l’astrologue Patrick Le Guen, auteur, praticien et enseignant en Astrologie conditionaliste

Patrick Le Guen, est un quêteur de sens qui n’a de cesse d’interroger le réel avec la singularité d’un regard sensible et largement ouvert sur la beauté et le mystère du monde.
Sa grande curiosité et liberté d’esprit l’ont conduit à explorer maintes domaines dans lesquels il a su y apporter sa sensibilité, son originalité : les arts plastiques (peintre dans ses jeunes années, il consacre aujourd’hui une partie de son temps à la photographie), la psychologie des profondeurs et la thérapie (il exerce comme psychothérapeute et formateur à la relation d’aide depuis une quinzaine d’années), la philosophie, la musique (pianiste amateur), le développement informatique et la conception logiciel et bien entendu l’astrologie qui est probablement pour lui sa « grande passion ». Passion qu’il a approfondie, explorée et interrogée à la lumière de la philosophie et des savoirs de notre temps et dont ses nombreux articles rendent compte. Les logiciels (gamme Azimut35) dont il est l’auteur et l’enseignement en Astrologie conditionaliste qu’il dispense depuis plus de 20 ans témoignent de son engagement à promouvoir une astrologie non-fataliste, riche et vivante, visant à réconcilier tradition et modernité. Il a souhaité partager dans cette interview proposée par le psychanalyste Frederic Delarge sa réflexion sur ce qui l’a amené à s’intéresser à l’Astrologie conditionaliste et en quoi cette forme d’astrologie est à ses yeux infiniment riche et actuelle.

Frédéric Delarge exerce comme psychanalyste et manifeste un vif intérêt pour les livres, l’art et la philosophie. Souhaitant mieux comprendre en quoi consistait l’Astrologie conditionaliste et comment je m’y inscrivais, je lui ai proposé de nous rencontrer dans le but de réaliser un entretien, pensant que cela pourrait également intéresser les praticiens en astrologie mais aussi d’autres quêteurs de sens… et pourquoi pas des scientifiques ouverts à des approches et recherches non hortodoxes qui dépassent leurs cadres de référence. La science n’étant pas l’alpha et l’omega de la connaissance du monde et des êtres.


Frédéric Delarge : Ton premier intérêt pour l’astrologie a été précoce puisqu’il remonte au début de ton adolescence. Quelles fut tes premières ouvertures, tes premiers centres d’intérêt ? Ont-ils des similitudes ?

Patrick Le Guen : Mon premier intérêt pour l’astrologie remonte à ma quatorzième année, j’y reviendrai après. Au tout début de mon adolescence, entre 13 et 16 ans, ma passion centrale était le dessin et la peinture pour lesquels je consacrais le plus clair de mon temps extrascolaire. L’impressionnisme me fascinait, à tel point que, dans la soif de compréhension qui m’animait, je me suis intéressé aux phénomènes optiques dont usait la technique impressionniste (juxtaposition de tons par petites touches provoquant un mélange optique rétinien) en étudiant la loi des contrastes simultanés du chimiste Michel-Eugène Chevreul. Puis, découvrant un peu plus tard les œuvres des peintres italiens du Quattrocento (Piero della Francesca, Fra Angelico, Botticelli…) et du Cinquecento (Véronèse, Titien,…), je me suis intéressé aux lois d’organisation de l’espace pictural et à la ‘géométrie secrète des peintres’ (pour faire allusion au titre d’un ouvrage de Charles Bouleau qui a accompagné ma première ouverture aux lois d’organisation de l’espace).
Cette période fut marquée par une extraordinaire ouverture aux merveilles de la nature, à tel point que je baignais dans un océan de lumière qui me rendait profondément heureux. Toutes les découvertes que je fis durant cette période m’amenèrent à m’interroger sur la nature de la réalité et me firent pressentir que derrière les apparences existait une réalité plus profonde, surorganisatrice et pourvoyeuse de sens. Et c’est en allant régulièrement consulter les fonds de la bibliothèque de Troyes (réputée pour ses incunables), ville où j’ai grandi, que, par hasard, je fis la découverte d’un livre sur l’astrologie (livre de poche Marabout !). Je me souviens avoir été surpris que l’on puisse obtenir, grâce à des calculs astronomiques, des informations sur les comportements humains. Cela venait conforter mon intuition que derrière les apparences, une réalité plus souterraine œuvrait et pouvait donner des explicatives aux réalités sensibles de premier ordre. Alors oui, il y a eu de réelles ouvertures, heureuses de surcroît, vers un monde nouveau, profond. Et ces « ouvertures » comme tu les appelles ont été pour moi également des portes de sortie me permettant de m’émanciper intellectuellement et existentiellement de mon cadre familier et scolaire. Cadre beaucoup trop étroit, en tout cas, ressenti comme tel, probablement en raison des caractéristiques de ma personnalité et de ma sensibilité, hormis le fait que cela puisse être mis sur le compte de la dynamique adolescente, bien entendu.

Girodet, Hippocrate refusant les présents d'Artaxerxès

F.D. Et puis vers 22 ans tu découvres les travaux de Jean-Pierre Nicola et l’Astrologie conditionaliste. Quelles sont les circonstances de cette découverte ?

Oui, c’est autour de mes 23 ans que j’ai découvert l’Astrologie conditionaliste en prenant des cours à Dijon avec un prof d’astrologie enseignant cette discipline atypique. Auparavant mon intérêt n’était pas allé plus loin que la découverte de ce petit livre d’astrologie que j’avais consulté dans cette fameuse bibliothèque de Troyes.
Alors que j’étais étudiant à l’école des beaux-arts de Dijon (j’ai alors 22 ans), je me suis soudainement intéressé à la psychologie des profondeurs et me suis pris de passion pour l’œuvre de Carl Gustav Jung, ce qui me conduisit une nouvelle fois vers l’astrologie. Je crois que beaucoup savent que Jung s’est intéressé de très près dans sa recherche sur les profondeurs du psychisme, au symbolisme, à l’alchimie et à l’astrologie. Ma curiosité vers l’astrologie ainsi relancée, j’ai commencé à étudier plus sérieusement cette discipline multimillénaire dans les livres : astrologie humaniste, astropsychologie, astrologie traditionnelle, lecture du Tetrabiblos de Claude Ptolémée (savant astronome, géographe et astrologue du IIe siècle de notre ère). Aucune de mes lectures sur le sujet ne me paraissait véritablement ouverte sur les réalités externes du monde (mis à part l’approche naturelle et ‘pré-conditionaliste’ de Ptolémée). Et surtout, je n’y trouvais pas la cohérence organisatrice que je recherchais, ni un plan de référence établi sur lequel il fût possible de tirer une méthode d’analyse, une méthode d’interprétation avec des règles communes permettant d’éviter les travers des interprétations subjectives dans lesquelles, beaucoup de projections, voire de délires poético-mystiques – parfois très beaux mais hélas invérifiables par définition ­–, sont hélas monnaie courante en astrologie.
C’est une amie qui m’a parlé de ce prof donnant des cours d’astrologie. Et c’est ainsi que j’ai découvert l’Astrologie conditionaliste qui offrait pour moi tout le sérieux, la cohérence et l’ouverture aux réalités physiques et aux lois de la nature que je recherchais. Mon choix était fait, et depuis, je n’ai eu de cesse d’approfondir cette discipline que j’enseigne depuis une bonne vingtaine d’années. J’ai rencontré le fondateur de l’Astrologie conditionaliste Jean-Pierre Nicola, cinq ou six ans plus tard (en 1992) à l’occasion d’un colloque au FIAP de Paris sur le thème des rapports de l’astrologie à la spiritualité. Cette rencontre décisive a été le point de départ d’une longue amitié qui s’est consolidée au fil des ans par un engagement commun, celui d’œuvrer à redonner à l’astrologie ses lettres de noblesse.

pour Spinoza, les corps sont capables d’intelligence et de déterminations propres sans qu’ils aient besoin d’une volonté extérieure pour les animer !

Force est de constater que l’astrosymbolisme et l’astropsychologie dans leurs excès (rejet ou ignorance des réalités astronomiques et biophysiques) tendent à couper l’astrologie de ses racines concrètes, à tel point que toutes références aux réalités physiques, à la rationalité sont presque devenues une injure à la face du ‘tout-symbolique’, du ‘tout-psychologique’ ou du ‘tout-spiritualisme’. À mon sens, quand l’astrologie parviendra à réconcilier l’âme et le corps, l’esprit et la matière, la raison et la poésie, les signaux concrets de la nature et les symboles, elle sera parvenue à l’âge adulte. Âge du consentement au réel qui ne mutile pas la part d’émerveillement et de rêve de l’enfance, tout aussi nécessaire que la raison, pour vivre une vie pleine et heureuse. Pour toutes ces raisons et d’autres encore, je ne pourrais en aucun cas défendre ou promouvoir une astrologie sans corps. Sa profondeur, sa dimension humaine et cosmique, méritent plus que cela.
D’autre part, le dualisme radical et éculé corps/esprit qui traverse encore de nos jours le champ du savoir – l’astrologie ne fait pas exception – m’est devenu insupportable. Car si pour Descartes corps et esprit étaient deux réalités (deux substances) distinctes et disjointes, pour Spinoza elles sont deux attributs d’une même substance en laquelle, corps (mode de l’Etendue) et esprit (mode de la Pensée) « sont une seule et même chose qu’on appelle tantôt Décret quand on la considère sous l’attribut de la Pensée et que l’on explique par lui, et tantôt Détermination, quand on la considère sous l’attribut de l’Etendue et que l’on la déduit des lois du mouvement et du repos. » (cf. Éthique, scolie partie III-proposition 2). Pour Descartes, qui pose un dualisme ontologique entre l’esprit et le corps, ce dernier n’est qu’une vulgaire mécanique sans âme, pour Spinoza, les corps sont capables d’intelligence et de déterminations propres sans qu’ils aient besoin d’une volonté extérieure pour les animer !

La non-séparabilité du corps et de l’esprit sont au cœur des recherches actuelles en neuro-sciences.

Il est intéressant de constater que les sciences actuelles redécouvrent Spinoza en lui redonnant crédit. La non-séparabilité du corps et de l’esprit est au cœur des recherches actuelles en neurosciences. Henri Atlan (médecin, biologiste, philosophe in article « Ce que peut le corps » dans le numéro hors-série Philosophie n° 29 consacré à Spinoza) nous fait remarquer que les organismes vivants ne séparent pas en leurs seins ce que les conditions d’observation et les langages interprétatifs des différentes disciplines séparent artificiellement. L’on observe de plus en plus des phénomènes d’émergence dans l’auto-organisation de la matière neurobiologique où apparaissent sans que l’on comprenne encore comment « des yeux qui voient et des corps qui connaissent, par assemblages de constituants élémentaires qui, en eux-mêmes, ne voient ni ne connaissent ». Que ceux qui ont des oreilles entendent !

F.D. : Peut-on penser que l’Astrologie conditionaliste est plus vraie que les autres formes d’astrologie  ?

Dans la suite de ce que je viens d’exprimer, je ne formulerai pas les choses de cette manière. Il me semble qu’une discipline quelle qu’elle soit n’a pas à se définir selon les critères du vrai ou du faux, mais plutôt selon le critère, peut-être, en tout cas c’est le terme qui me vient, de pertinence. Est-ce que le conditionalisme est plus pertinent qu’une autre forme d’astrologie ? À cette question je peux répondre oui, du moins par rapport à ce que je connais des autres approches astrologiques et depuis un point de vue non universel, celui qui est le mien, dans l’état de mes connaissances et de ma pratique.
Une discipline – et là je parle de toutes les disciplines qui s’inscrivent dans le champ du savoir, de la connaissance, des pratiques, de la recherche – est constituée de théories, de concepts, d’une praxis, éventuellement d’une clinique. Et peut-être, peut-on aussi poser la question de cette manière : les outils et les concepts d’une telle discipline, sont-ils en adéquation et compatibles avec la réalité, avec les phénomènes qu’ils se proposent d’analyser, de penser, de comprendre, de questionner ? Dans le même ordre idées, permets-moi de citer Pierre Thuillier1 : « Il est souvent naïf de juger une théorie en termes de vérité ou de fausseté […]. Une bonne théorie, c’est d’abord une théorie qui suscite de bonnes questions et de bonnes observations, qui permet d’établir une sorte de ‘dialogue’ avec les phénomènes ».
Alors oui, vue de cette manière, l’Astrologie conditionaliste m’apparaît comme plus pertinente, ou, pour le moins, dotée d’une puissance investigatrice et exploratrice sur le réel, sur les phénomènes, sur les interactions entre les réalités humaines et physiques (cosmos et champ physico-biologique), que d’autres formes d’astrologie. C’est là mon expérience, mon point de vue, eu égard à ce que je crois connaître des différents champs du savoir dans les sciences humaines et physiques.

II y a dans l’Astrologie conditionaliste des outils, des concepts, une pensée, une recherche qui permettent d’explorer le réel tel qu’il se manifeste dans nos réalités et perceptions humaines.

M’étant penché sur l’astrologie humaniste, l’astropsychologie, l’astrologie traditionnelle, seule l’Astrologie conditionaliste a su provoquer chez moi un réel enthousiasme et m’apporter une réponse de poids à ma recherche de compréhension et d’explicatives rationnelles du lien entre le cosmos et les réalités humaines. Il y a dans l’Astrologie conditionaliste des outils, des concepts, une pensée, une recherche qui permettent d’explorer le réel tel qu’il se manifeste dans nos réalités et perceptions humaines.

Je reste admiratif de la qualité hors-norme des travaux de Jean-Pierre Nicola qui ont permis de forger de nouveaux concepts et outils astrologiques. Ils ont permis également de décloisonner l’astrologie, de la sortir du carcan fataliste et d’une forme de réductionnisme intellectuel qui consiste à dire que tout est symbole, que tout s’explique par le symbolisme et l’analogisme (« Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut ») et qu’il n’y a, au fond, rien à chercher, si ce n’est de se complaire dans un imaginaire à tendance magique déconnecté des réalités. Je ne fais pas là une critique de la puissance imaginative de l’homme, ni du symbolisme évidemment, ils existent et sont des réalités humaines. Ils sont utiles comme approche investigatrice pour gagner en connaissance sur l’inconnu, mais, ce que je veux dire, c’est que dans mes études, dans mes lectures, j’ai trop souvent constaté ce totalitarisme de la pensée symbolique qui a la prétention de tout expliquer, une chose et son contraire, si bien que pour moi, il y a là un enfermement dans une étrange tautologie du savoir. Cette tendance à la toute-puissance du symbolisme ne concerne pas que l’astrologie, loin de là. Certain(e)s praticien(ne)s en psychologie (de formation lacanienne probablement) ont également la ferme conviction que « Tout est langage ». Pour la petite histoire, je me souviens de cette praticienne psy (éminente présidente d’un institut de formation en relations humaines), qui m’avait fait part de la difficulté d’un étudiant ne parvenant pas à rédiger son mémoire de fin de formation. Je lui avais suggéré que cette personne n’ayant pas fait d’études avait probablement besoin d’une aide pour rédiger son mémoire. L’aisance dans l’écriture n’est pas quelque chose qui va de soi, même pour des personnes de niveau post-bac. Cette évidence « réaliste » fut écartée d’un revers de main au nom du « Tout est langage ». Il fallait, selon elle, aider cette personne à entendre sa difficulté de rédaction comme le langage d’une blessure ou d’une résistance indicible ! Morale de l’histoire, l’institut en question dut se résoudre, face à la difficulté criante de cet étudiant, et à celle d’autres étudiants en situation similaire, à proposer quelques années plus tard un soutien « scolaire » pour de tels cas rebelles à la dictature du « Tout est langage » ! Faut-il en rire ? Oui, si le rire guérit (gai-rire) de la surdité au bon sens !

Pour dépasser l’analogisme du « ce qui est en bas est comme ce qui est en haut » et pour tenter de sortir d’une pensée magique close sur elle-même, n’est-il pas plus concevable et réaliste de penser l’astrologie à partir des réalités concrètes observables et pouvant se prêter à la recherche et à toutes sortes d’expérimentations. À mon avis, l’hypothèse la plus plausible concernant la relation entre « le haut et le bas » se trouve dans les liens ou couplages neurobiologiques qui existent entre les horloges internes (biologiques) et les horloges externes de l’environnement (les rythmes des activités sociales et les rythmes naturels comme les saisons, le photopériodisme, et pour l’astrologie, le rythme des cycles planétaires du système solaire).
Cette idée de couplage entre les horloges internes et externes appelle à se détacher du modèle scientifique dominant de la culture occidentale, qui considère la connaissance comme un miroir de la nature. Ce modèle pense également le monde sur le mode des causalités linéaires (une cause A produit un effet B) et sur la séparation du sujet (celui qui observe) et de l’objet (ce qui est observé), sans prendre en compte que sujet et objet sont pris dans des réseaux d’interrelations complexes de co-création ou co-engendrement. Depuis les années 70, ce modèle classique bat de l’aile, et ce en raison des résultats de la recherche en neurosciences où sont apparues ces nouvelles notions d’émergence, d’autoorganisation, de cocréation. La métaphore du chemin qui ne préexiste pas au marcheur, puisqu’il se fait en marchant, commence à supplanter la métaphore de la connaissance, miroir de la nature. Le chemin et le marcheur, comme le sujet et l’objet sont interdépendants (A agit sur B qui, en retour, agit sur A). Cette nouvelle manière de penser le monde met en avant la notion de « chemins de couplage ». Sous certaines conditions, sous certaines contraintes environnementales, on voit apparaître des causalités circulaires complexes où sujet et objet vont ensemble trouver un « chemin de couplages » (entre A et B apparaît une relation de cocréation où il devient artificiel de différencier A et B comme des entités autonomes et indépendantes l’une de l’autre). C’est ce qu’à constaté Jean-Pierre Nicola au début des années 60 dans ce qu’il a appelé la « Théorie des âges » : les durées des stades de maturation tels que ceux mis en avant par les psychogénéticiens (Piaget, Wallon, Spitz) sont couplées aux durées de révolutions sidérales des planètes du système solaire. On constate que les significations astrologiques des planètes concernées correspondent étroitement aux facultés mentales, psychoaffectives qui apparaissent au sein de chaque stade.

La Théorie des âges ou comment les stades de maturation sont couplés aux « horloges planétaires »

Les stades planétaires de 1 à 84 ans

Ce couplage étonnant entre cycles planétaires et stades de développement devrait interpeler les scientifiques ouverts peu ou prou à l’astrologie d’aujourd’hui.

Par exemple, chez l’enfant, l’acquisition de la permanence de l’objet, la capacité à se fixer des buts, la reconnaissance de sa propre image (stade du miroir), la sociabilité volontaire apparaissent entre 7 mois et 1 an, ce qui correspond au stade solaire de la Théorie des âges (de la fin du cycle précédent de Vénus qui est de 7 mois 1/2 et la durée du cycle solaire qui est de 1 an) où les significations du Soleil sont en lien avec la notion de conscience claire de soi-même (en Astrologie conditionaliste la fonction planétaire ‘Soleil’ est, dans le modèle R.E.T., une fonction de « représentation de Représentation »). Durant le stade « marsien » entre 1 an et 2 ans (de la fin du cycle solaire à la fin du cycle de Mars qui est de 2 ans) apparaissent la marche et la découverte d’un monde « objectal » dont l’enfant ignore tout et qu’il apprendra à connaître « par corps ». Les douloureuses expériences de ce stade sont en étroites relations avec les significations de la « fonction marsienne » astrologique (« existence d’existence ») : goût des confrontations directes, de l’action pour l’action, des luttes nécessaires pour maintenir son existence…
Ce couplage étonnant entre cycles planétaires et stades de développement devrait interpeller les scientifiques ouverts peu ou prou à l’astrologie d’aujourd’hui.
Comment expliquer de tels couplages entre horloges du vivant et horloges planétaires ? Certainement pas par l’analogie entre le « bas » et le « haut », tu en conviendras. Il y a là une voie de recherche sérieuse qui mériterait d’être explorée, car ce chemin à peine esquissé n’est pas encore tout tracé ; il le sera quand des marcheurs curieux, libres et épris de connaissances le feront exister par leurs marches.

Pour ne pas perdre le fil de notre propos, revenons après ce long détour à l’usage du symbolisme en astrologie.

L’Astrologie conditionaliste peut utiliser bien entendu le langage symbolique, faire appel bien entendu à l’imaginaire, ce sont des moyens pour communiquer, pour penser, faire des liens entre les phénomènes, mais elle ne perd jamais de vue la dimension du réel qu’elle définit d’ailleurs en trois niveaux de perception, de degrés de puissance : le niveau du langage, des codes, des mots, qu’on désigne dans notre jargon par « Représentation », le niveau des réalités concrètes, expérimentales, le vécu, les faits, ce sur quoi nous buttons (niveau « Existence ») et le niveau des réalités complexes, des lois inconnues, des phénomènes qui échappent à la conscience et qui ne peuvent se formuler par des mots, des codes univoques, des phénomènes qui ne peuvent ni se prêter à des expérimentations, ni être définis par la pensée, touchés par les corps. On appelle ce troisième niveau en Astrologie conditionaliste la « Transcendance » (dans le sens de ce qui est au-delà des perceptions immédiates, des représentations, des réalités tangibles).

Jean-Pierre Nicola a dans sa recherche jeter des ponts entre les mots, les codes, les symboles et les réalités concrètes des signaux physiques

Pour l’Astrologie conditionaliste le symbolique, l’imaginaire se situent, pour faire simple, au niveau des représentations, le premier niveau du modèle R.E.T. (Représentation-Existence-Transcendance). La recherche conditionaliste a permis de jeter des ponts entre les signes (les mots, les codes, les symboles…) et les réalités concrètes des signaux physiques (mesurables, analysables comme le mouvement des planètes, l’organisation spécifique du système solaire, le phénomène du photopériodisme donnant une explicative au zodiaque tropique). Symboles et signaux communiquent ! Et c’est cela même qui m’a convaincu, lorsque j’ai dû faire un choix entre les différentes « écoles » d’astrologie. La pertinence, le réalisme, le « parfum » de l’approche conditionaliste m’ont séduit d’emblée. Oui, l’Astrologie conditionaliste exhale un parfum particulier, elle « sent bon le Réel ! ». (titre d’une rubrique de Jean-Pierre Nicola dans Les Cahiers Conditionalistes édités par le COMAC).

schéma de relations entre signaux et symboles

F.D. : Tu évoques à plusieurs reprises et de diverses manières l’existence d’une réalité derrière le réel, et d’ailleurs tu as rencontré Jean-Pierre Nicola dans un colloque intitulé « Astrologie et spiritualité ». Ma question sera double :

(a) L’astrologie dévoile-t-elle selon toi une réalité « surorganisatrice et pourvoyeuse » de sens qui ne se limite pas à de purs principes physiques ou biologiques, à des lois scientifiques et naturelles ?

(b) L’astrologie a-t-elle une dimension spirituelle ? C’est-à-dire, si l’on suit le philosophe Michel Foucault, est-elle une pratique et une expérience permettant la transformation de la personne, en l’éclairant sur des éléments de sens qui lui avaient échappé et qui la rapprocheraient de la vérité.

Avant de répondre, j’ai besoin de préciser, par souci de clarté, le sens que je donne à ces notions très subtiles que sont la réalité et le réel. Certains philosophes et scientifiques nomment réel l’ensemble des phénomènes de l’univers connus et inconnus. J’adhère à cette définition.

le réel est ce qui excède nos propres limites humaines, le réel est donc plus vaste que la réalité

Certains philosophes et scientifiques nomment réel l’ensemble des phénomènes de l’univers connus et inconnus. J’adhère à cette définition. La réalité, elle, serait en rapport direct avec ce que nous connaissons du monde par nos expériences humaines, que ces expériences soient subjectives ou de nature scientifique à vocation objective. La compréhension des phénomènes serait ainsi toujours liée à notre perception du monde, c’est-à-dire à ce qui dans le monde est accessible à notre entendement. Par conséquent, la réalité reste circonscrite à nos capacités humaines, à notre entendement. Or le réel est ce qui excède nos propres limites humaines, le réel est donc plus vaste que la réalité, cette dernière étant un sous-ensemble du réel.
Pour le psychanalyste Jacques Lacan, le réel est aussi ce sur quoi nous nous cognons. Il y a là comme une opacité du réel qui met en échec notre volonté de le saisir tel qu’il l’est. Le réel n’est donc pas réductible à ce que nous nommons réalité, cette dernière ne lui est que partiellement superposable. En somme, le réel se montre et se dévoile aussi bien dans ses apparences, ses manifestations concrètes, qu’en sa complexité et opacité irréductible à des mots, formules ou expérimentations. Ces trois niveaux d’émergence sont désignés dans l’Astrologie conditionaliste par le vocable R.E.T. (Représentation, Existence, Transcendance). Ces trois niveaux d’émergence désignés dans l’Astrologie conditionaliste par le vocable R.E.T. (Représentation, Existence, Transcendance) sont reliés entre eux par des fonctions de transformation d’informations 2).(maintien, réduction ou augmentation). Ce qui donne un modèle général de codage-décodage du réel tel qui peut être perçu et compris.
Ce modèle d’organisation de l’information se présente comme une « structure qui relie » (terme que j’emprunte à G. Bateson) les aspects externes et internes des êtres et des choses. Ce modèle fait apparaître une structure organique fondamentale commune au système solaire, à l’atome d’hydrogène, et aux organismes vivants au sens large (homme, animal et systèmes collectifs qu’ils coproduisent : sociétés, écosystèmes, économies…).
Les trois niveaux d’émergence du modèle R.E.T. témoignent de la surabondance du réel qui dépasse nos catégories verbales, expérimentales, conceptuelles. Mais comme tout modèle, il n’est que la représentation d’une réalité plus vaste de ce qu’il tente de décrire ou saisir. Le réel excède toujours l’idée que nous nous en faisons.

Le R.E.T. Matrice-père des significations humaines des fonctions planétaires

Peut-on séparer de manière radicale l’astrologie des « purs principes physiques ou biologiques et des lois scientifiques et naturelles » sur lesquels elle repose pour reprendre ta formulation ?

Etudier la nature, ses lois physiques c’est découvrir à travers elles des propriétés étonnantes qui renvoient aux caractéristiques mêmes de la nature humaine.

Je me permets de reformuler ta question de cette manière en raison de ce que j’y lis de manière sous-jacente. Il est bien difficile de sortir du dualisme cartésien à la française qui imprègne bien souvent et insidieusement nos manières de penser (j’en suis bien souvent la première victime !). Surtout lorsqu’on aborde des disciplines où la part de l’esprit et/ou de l’irrationnel est supposée prépondérante. Comme je l’évoquais tout à l’heure, nos partis pris conceptuels ou philosophiques font que nous décrivons le réel dans des langages interprétatifs qui ne rendent qu’imparfaitement compte des réalités que nous croyons observer avec objectivité. Il existe une dualité sémantique, sans doute inévitable, lorsqu’on essaie de comprendre et de décrire l’activité du vivant dans sa complexité, ses multiples niveaux d’organisation, ses modes d’auto-organisation émergents où apparaissent des formes surprenantes d’intelligence. C’est pourquoi, je ne crois pas qu’il faille opposer et renvoyer dos à dos ce qui relève « des purs principes physiques ou biologiques » et ce qui relève de l’esprit. Si l’Astrologie conditionaliste dérange les promoteurs d’une astrologie symboliste récusant toutes formes d’influences astrales (au sens physique du terme) et prônant un monde où tout ne serait que correspondances poétiques, c’est bien en raison d’un divorce idéologique qui tente de faire accroire que seul l’esprit est noble et que la matière et les corps ne sont que subalternes, sans épaisseurs, sans qualités et sans capacités intelligentes !

Étudier la nature, ses lois physiques, c’est découvrir à travers elles des propriétés étonnantes qui renvoient aux caractéristiques mêmes de la nature humaine. À ta question « L’astrologie dévoile-t-elle selon toi une réalité ‘surorganisatrice et pourvoyeuse de sens’ qui ne se limite pas à de purs principes physiques », je répondrai que les principes physiques et l’étude des lois naturelles, loin de limiter nos connaissances sur l’humain et sur le monde sont capables, bien au contraire, de nous en dévoiler bien des trésors de compréhension.

Pour ma part et pour toutes les raisons évoquées plus haut, je ne sépare pas les réalités biophysiques et les lois de la nature du phénomène humain (psychologie, éthologie) et je fais volontiers mienne cette formulation de Spinoza (préface de la partie III de l’Ethique) : L’homme n’est pas un empire dans un empire.
Je ne crois pas que Jean-Pierre Nicola soit spinoziste ou lecteur assidu de Spinoza, mais dans l’Astrologie conditionaliste l’externe (les cycles planétaires) et l’interne (activité nerveuse, pensée, psychologie, comportement) ne sont pas séparables car l’espèce humaine, comme toute vie animale ou végétale, s’est développée depuis l’origine en relations étroites avec les lois de la nature. Autrement dit, toutes les formes de vie sur Terre sont régies par les mêmes lois naturelles. Cette évidence éclaire aussi le sens du terme « conditionaliste ». L’homme, dans ses « parties extensives » pour reprendre une expression spinoziste, est le produit d’un ensemble de conditionnements, de déterminismes, il n’est pas cause de lui-même. Par conséquent, pour que l’homme se comprenne lui-même, il doit non seulement examiner ses propres pensées, volontés, désirs mais aussi apprendre à connaître les déterminismes qui lui sont extérieurs, comme ceux que l’Astrologie étudie, et qui déterminent sa liberté ou du moins en donnent le cadre et les conditions d’exercice. À ce titre, l’Astrologie conditionaliste peut être un chemin, une forme de philosophie et d’éthique pour la conduite de sa vie en lien profond avec la Nature.

F.D.: Qu’en est-il du rapport de l’astrologie avec la spiritualité ?

la vraie liberté est adhésion consciente à sa propre nécessité intérieure

À mon sens, la spiritualité est une réponse humaine parmi d’autres aux sollicitations du cosmos. En soi, l’Astrologie conditionaliste n’a pas de contenus explicitement spirituels. La spiritualité est, je dirai, une dimension subjective ajoutée, projetée sur la « matière » astrologique. En effet, chacun est libre de donner un sens à son rapport au monde, que celui-ci passe par l’astrologie ou par d’autres connaissances ou expériences.
Quant à la quête de vérité que tu évoques – j’y ai déjà répondu partiellement – toutes les disciplines de connaissance de soi peuvent être des chemins pour nous aider à mieux nous comprendre, mieux nous situer dans le monde, à mieux découvrir la complexité de notre nature. L’astrologie participe de cette connaissance de soi, des autres, du monde et peut aider les quêteurs de vérité à progresser dans cette voie. Si d’un point de vue spinoziste, la vraie liberté est adhésion consciente à sa propre nécessité intérieure alors l’astrologie peut être utile car elle aide à conscientiser ses propres tendances ou tropismes qui sont en continuité avec l’externe. Rappelons que pour Spinoza, la connaissance rationnelle et l’intuition – parachevant en quelque sorte la connaissance rationnelle et permettant d’atteindre directement l’essence singulière des choses – peuvent mener à la joie et à la vie bonne et libre.

F.D. : « Symboles et signaux communiquent » dis-tu. Cependant les symboles débordent largement les signaux. Chez Jung, justement, le symbole désigne « un contenu qui transcende la conscience » sinon il meurt et se réduit à un signe. Comment entends-tu le lien qui se noue entre symbole et signe ?

Effectivement pour Jung le symbole renvoie à une dimension, un contenu plus riche, plus vaste que ce qu’il montre ou désigne. Le symbole est, pour le citer, « un terme, un nom ou une image qui, même lorsqu’ils nous sont familiers dans la vie quotidienne, possèdent néanmoins des implications qui s’ajoutent à sa signification conventionnelle et évidente. Tant qu’un symbole est vivant, il est la meilleure expression possible d’un fait ».
« Il n’est vivant que tant qu’il est gros de significations. Que cette signification se fasse jour […], que l’on découvre l’expression qui formulera le mieux la chose cherchée, attendue ou pressentie, alors le symbole est mort : il n’a plus qu’une valeur historique ».

L’Astrologie conditionaliste, tu l’auras compris, ne s’arrête pas au symbole qui est un point de départ, un panneau indicateur d’une dimension plus vaste à découvrir, à explorer…

C’est dans ce sens jungien (et spinoziste, je reviendrais sur ce sens un peu plus loin) qu’il faut comprendre les contenus signifiants de l’Astrologie conditionaliste. En effet, Jean-Pierre Nicola, en véritable chercheur en quête de contenus consistants et rationnels a su « découvrir l’expression qui formule le mieux la chose cherchée, attendue ou pressentie ».
Je remarque que Spinoza dans l’Ethique dit quelque chose qui va dans le même sens : pour sortir de la connaissance du premier genre, inadéquate, vague, partielle, en un mot, subjective et « cause unique de la fausseté » (Ethique, Partie II, Proposition 41) l’on doit s’efforcer par l’exercice de la raison d’atteindre le deuxième et troisième genre de connaissance permettant de comprendre les choses en leurs essences et leurs nécessités. Pour Spinoza les signes (les symboles en sont) sont de nature équivoque, multivoque et ne permettent pas de connaître l’essence des choses, ce qu’elles sont en elles-mêmes. Seule la connaissance des lois de la Nature, de nature univoque, permet de libérer l’homme de son état de servitude. Il s’agit pour Spinoza d’apprendre à passer des « idées vagues et confuses » de la connaissance du premier genre aux « idées claires et distinctes » du deuxième et troisième genre de connaissance, en somme, de passer d’un monde des signes de nature équivoque à un monde des lois de nature univoque. Comme pour Jung et comme pour Spinoza, il y effort à atteindre l’expression qui formule clairement la chose à laquelle le signe ou le symbole renvoie de manière vague, imparfaite et confuse.

Pour revenir à notre sujet, la recherche conditionaliste a permis de démontrer que derrière les symboles astrologiques de la tradition (la symbolique zodiacale, des planètes) existait une réalité manifeste, concrète, pas seulement imaginaire. Cette réalité est celle des signaux concrets de la nature tels que nos sens peuvent les percevoir, les assimiler, les transformer, les exprimer en langage humain et symbolique par le truchement d’un système nerveux évolué, doté d’une intelligence imaginative et conceptuelle. Il en est ainsi du zodiaque photopériodique qui reflète le cycle des variations des rapports des arcs diurnes/nocturnes des planètes. Ce zodiaque-signal, non symbolique, a une structure et une cohérence telles qu’il se prête à de fines analyses sur la base des éléments univoques qui le définissent. L’analyse qu’on en tire permet de retrouver les significations que la symbolique zodiacal contenait, pressentait tout en l’enrichissant de significations nouvelles. En toute logique jungienne, dans la mesure « où l’expression qui formule la chose cherchée » est découverte et la « chose cherchée » dévoilée, le recours à la symbolique traditionnelle du zodiaque n’a plus lieu d’être en tant que support intuitif et interprétatif, même si ce dernier conserve sa valeur historique. On voit bien que pour Jung un symbole est une porte vers l’inconnu, un inconnu qui transcende bien entendu le symbole lui-même qui n’est au fond qu’une image. L’Astrologie conditionaliste, tu l’auras compris, ne s’arrête pas au symbole qui est un point de départ, un panneau indicateur d’une dimension plus vaste à découvrir, à explorer… comme par exemple l’homologie de la distribution des orbites permises de l’électron de l’atome d’hydrogène avec la distribution des orbites planétaires de notre système solaire. L’hydrogène est l’atome le plus simple et le plus répandu dans l’univers et il pourrait être, selon la recherche conditionaliste, une voie d’explicative du lien profond qui relie l’homme au système solaire puisqu’il est commun au Soleil, à l’homme et au ciel. L’hydrogène serait donc le maillon, le tissu commun par lequel le vivant et le non-vivant communiquent. Je te renvoie ainsi que les lecteurs curieux aux recherches en cosmogonie de Jean-Pierre Nicola (cf. Eléments de cosmogonie astrologique, évoqués plus haut, et la vidéo Youtube de présentation des Sources de l’Astrologie moderne).

En dépassant le symbole (il n’est qu’une étape pour Jung vers la connaissance des réalités plus profondes), la recherche conditionaliste, ne se satisfaisant pas des réalités de premier ordre (les apparences, les illusions de perception de la réalité), a su accéder à une dimension de réalité plus profonde, plus dense, plus riche. Ce qui a ouvert la voie à une astrologie « nodale » permettant de comprendre par un effort de la raison comment le vivant et le non-vivant communiquent, comment l’interne (l’activité nerveuse fondamentale, la physiologie) et l’externe (les cycles cosmiques) sont couplés et non séparés. Et cette recherche ne s’est jamais enfermée dans de pures spéculations puisqu’elle a accouché de nouveaux modèles (le R.E.T., le S.O.R.I., la Théorie des âges, le zodiaque-signal et réflexologique, le modèle d’interprétation du Héros et son Ombre), d’une nouvelle manière de penser et de pratiquer l’astrologie dans un esprit de modernité en phase avec l’état des savoirs si riches de notre époque, et sans rien renier de ses origines mésopotamiennes, chaldéennes et grecques.

F.D. : Tu parles des philosophies de Descartes et Spinoza comme de soubassements des formes d’astrologie. Mais, un jour, dans une discussion tu m’as suggéré que les thèmes de chacun de ces philosophes permettaient de comprendre leurs démarches, dualiste pour Descartes, moniste pour Spinoza. Pour finir ne pourrais-tu pas, à guise d’illustration de l’astrologie conditionaliste, détailler la façon dont chacun d’eux met en oeuvre sa pensée ?

Oui, ta question montre que l’Astrologie conditionaliste est capable de rendre compte de modes d’expression extra-psychologiques ou extra-caractérologiques. C’est d’ailleurs un sujet que j’avais traité lors d’une conférence au colloque Conditionaliste Image et Représentation qui s’était tenu à Paris en 1998. Dans cette communication, je m’étais appuyé sur des œuvres picturales pour « montrer que le terrain privilégié de l’influence astrologique n’est pas seulement le psychologique ou l’événementiel, mais aussi la vie de l’esprit dans ses formes les plus variées. »

À présent, comment comprendre le dualisme cartésien et le monisme spinoziste astrologiquement parlant ?
Le thème de René Descartes (né le 31/03/1596 – 2h00 à La Haye) montre un amas planétaire de cinq planètes dont le Soleil en Bélier. On en déduit une forte dominante zodiacale Bélier. Quatre de ces planètes font partie de la famille « Discours » du R.E.T. Nous avons déjà là des informations en soi très parlantes. Le Bélier, Signe équinoxial (égalité jour/nuit), met en avant la fonction « Sens des contraires » propre aux Signes équinoxiaux et qui consiste à percevoir et à comprendre la réalité dans ses aspects duels, contrastés, opposables comme la nuit l’est au jour, le blanc au noir, la pensée à la matière.
Le thème de Baruch Spinoza (né le 24/11/1632 – 14h00 à Amsterdam) fait apparaître la présence de quatre planètes dont le Soleil en Sagittaire, d’où une forte dominante zodiacale Sagittaire, Signe solsticial s’il en est (nuit croissante vers son maximum de durée, jour largement minoritaire) mettant en avant la fonction noologique ‘Sens des ensembles ou de synthèse’. Alors que le ‘sens des contraires’ Bélier conduit l’esprit à découper le réel en couples d’opposés, le ‘sens des ensembles’ Sagittaire, favorisera des perceptions globalisantes, unifiantes.
Cet exemple illustre éloquemment, me semble-t-il, deux fonctionnements cognitifs, noologiques qui n’ont rien de commun. Là où la pensée Bélier, dualise le réel et le découpe en termes contraires s’opposant l’un à l’autre, la pensée Sagittaire, globalise, unifie. Au dualisme cartésien Bélier, Spinoza propose une philosophie où tout se tient, sans exclusion, en un soubassement ontologique unique et infini qu’il appelle substance ou Nature. Il serait possible de décrire avec plus de nuances encore toutes les caractéristiques de la dynamique Bélier et Sagittaire pouvant rendre compte de ces deux modes de pensée, mais tu ne m’en voudras pas si je me limite ici à ces quelques prémices explicatives qui mériteraient de plus larges développements.

Conclusion

Et enfin, pour clore cet entretien et rejoindre l’intérêt que tu portes à la philosophie comme moyen d’accès à la vérité et à une vie meilleure, je crois pouvoir dire que l’Astrologie conditionaliste est pour moi, au-delà de la pratique purement astrologique (consultations, enseignement), une source de méditations philosophiques sur le Réel. Et sans doute, doit-il être possible de trouver dans cette approche carrefour entre sciences physiques et sciences humaines un chemin pour exister pleinement en gagnant en lucidité sur nos déterminations internes et externes et sur les illusions inévitables (illusions de l’imaginaire mais aussi illusions de la raison) auxquelles nous expose toute recherche de vérité. L’Astrologie conditionaliste peut, à mon sens, offrir une source de connaissance inédite et authentique à celles et ceux qui n’opposent pas rigueur et imagination, rationalité et intuition, réalisme et poésie, et sans doute aussi, dans la ligne de ce que Michel Foucault exposait en 1984 au Collège de France dans sa dernière leçon Le courage de la vérité : « On atteindra à la vraie vie qu’à la condition préalable d’avoir pratiqué sur soi ce déchiffrement de la vérité. Déchiffrer la vérité de soi dans ce monde-ci, se déchiffrer soi-même dans la méfiance à l’égard de soi et du monde, dans la crainte et le tremblement à l’égard de Dieu, c’est cela et cela seulement qui pourra nous donner accès à la vraie vie. »


RESSOURCES

Le site de Jean-Pierre NICOLA > www.jean-pierre-nicola.fr

Cours d’Astrologie conditionaliste à distance > www.cours-astrologie.net

Logiciels d’Astrologie Azimut35 > www.logiciel-astrologie.eu

Chaîne Youtube Jean-Pierre NICOLA > Chaîne Youtube

Bibliographie conditionaliste > Publications COMAC

Notes :

  1. Pierre Thuillier, D’Archimède à Einstein. Les faces cachées de l’invention scientifique, Fayard/Le Livre de Poche, 1988, p. 295)
  2. Je fais un lien avec le sens du mot information que lui donne le chercheur hors-norme Gregory Bateson (1904-1980) pour rendre compte des caractéristiques essentielles des phénomènes vivants. « Abandonnant la métaphore énergétique, base des théories freudiennes – et selon lui inadéquate pour rendre compte des caractéristiques essentielles des phénomènes vivants – il va participer très activement à l’élaboration d’un modèle explicatif très différent dont la pierre angulaire est la notion d’information (« la différence que fait la différence »), particule élémentaire des phénomènes interactionnels, des échanges entre les individus. À partir des mécanismes de traitement, de codage, de structuration et d’évolution des informations, il chercha à établir un nouveau cadre conceptuel pour les sciences de l’homme » (extrait de la Biographie de G. Bateson dans l’Encyclopédie de l’Agora). Il avait l’intuition avant même de mener des recherches en cybernétique et systémie dans les années 60, qu’il devait être possible de trouver des ponts entre les structures du non-vivant et du vivant. A ce titre, sa recherche mondialement reconnue présente une étrange familiarité avec l’oeuvre de Jean-Pierre Nicola. En effet, ce dernier partant de la structure du système solaire (cf. Eléments de cosmogonie astrologique) a élaboré lui aussi de nouveaux concepts astrologiques qui dépassent d’ailleurs le cadre purement astrologique. Le plus remarquable est sans doute le Logoscope.