Entretien avec l’astrologue Patrick Le Guen, auteur, praticien et enseignant en Astrologie conditionaliste

Patrick Le Guen, est un quêteur de sens qui n’a de cesse d’interroger le réel avec la singularité d’un regard sensible et largement ouvert sur la beauté et le mystère du monde.
Sa grande curiosité et liberté d’esprit l’ont conduit à explorer maintes domaines dans lesquels il a su y apporter sa sensibilité, son originalité : les arts plastiques (peintre dans ses jeunes années, il consacre aujourd’hui une partie de son temps à la photographie), la psychologie des profondeurs et la thérapie (il exerce comme psychothérapeute et formateur à la relation d’aide depuis une quinzaine d’années), la philosophie, la musique (pianiste amateur), le développement informatique et la conception logiciel et bien entendu l’astrologie qui est probablement pour lui sa « grande passion ». Passion qu’il a approfondie, explorée et interrogée à la lumière de la philosophie et des savoirs de notre temps et dont ses nombreux articles rendent compte. Les logiciels (gamme Azimut35) dont il est l’auteur et l’enseignement en Astrologie conditionaliste qu’il dispense depuis plus de 20 ans témoignent de son engagement à promouvoir une astrologie non-fataliste, riche et vivante, visant à réconcilier tradition et modernité. Il a souhaité partager dans cette interview proposée par le psychanalyste Frederic Delarge sa réflexion sur ce qui l’a amené à s’intéresser à l’Astrologie conditionaliste et en quoi cette forme d’astrologie est à ses yeux infiniment riche et actuelle.

Présentation de Frédéric Delarge par Patrick Le Guen : Frédéric Delarge est un ami qui, loin de la question astrologique, est animé par une démarche de connaissance de soi et un intérêt marqué pour la thérapie. Il exerce comme Psychanalyste anthropologique et a la passion des livres, de l’art et des questions philosophiques. Souhaitant mieux appréhender et comprendre ce qui pouvait à ce point mobiliser mon esprit et mes énergies à l’étude, à la pratique et à la diffusion et l’enseignement de l’Astrologie conditionaliste, je lui ai proposé de m’interviewer, pensant que cela pouvait aussi intéresser d’autres chercheurs de sens et quêteurs de vérité…


Frédéric Delarge : Ton premier intérêt pour l’astrologie a été précoce et éphémère. L’adolescence en effet ouvre l’enfant sur le monde où il découvre plein de portes d’entrée possibles vers ce « miracle » du monde qui s’offre à lui.
Quelles ont été pour toi les premières ouvertures, les premiers centres d’intérêt  ? Ont-ils, à ton avis, un point commun  ?
Patrick Le Guen :  Mon premier intérêt pour l’astrologie remonte à ma quatorzième  ou quinzième année. À cette époque j’étais fasciné par, comme tu l’appelles, les miracles du monde de la nature.
Le langage des abeilles par exemple, dans les travaux de Karl Von Frisch, la loi des contrastes simultanés du chimiste Eugène Chevreul. Faut dire que ma passion centrale était la peinture, notamment l’attrait qu’exerçait sur moi la peinture impressionniste. Et tout naturellement cela m’a conduit, dans ma soif de compréhension, à m’intéresser aux phénomènes optiques dont usait la technique impressionniste (la juxtaposition de tons par petites touches provoquant un mélange optique rétinien), mais également aux lois d’organisation de l’espace pictural. Sur ce point, ce sont davantage les peintres du Quattrocento (Pierro della Francesca, Fra Angelico, Botticelli…) et du Cinquecento (Véronèse, Titien,…) qui m’ont amené à m’interroger sur la ‘Géométrie secrète des peintres’ (pour faire allusion au titre d’un ouvrage de Charles Bouleau qui a marqué ma première ouverture aux lois d’organisation de l’espace). Aussi dois-je ajouter qu’entre quinze et dix-sept ans je consacrais le plus clair de mon temps extra-scolaire au dessin et à la peinture et la précocité dont je faisais preuve en ce domaine m’avait conduit à m’interroger s’il n’y avait pas là les prémices d’une véritable vocation. Avec le recul, je ne regrette pas de ne pas mettre entièrement voué à la peinture, d’autres chemins à explorer m’appelaient…
J’avais l’intuition que derrière les apparences existait une réalité plus profonde sur-organisatrice et pourvoyeuse de sens. Et c’est en allant régulièrement consulter les fonds de la bibliothèque de Troyes (réputée pour ses incunables), la ville où j’ai grandi, que, par inadvertance, j’ai découvert un livre sur l’astrologie (livre de poche Marabout). Je me souviens avoir été surpris que l’on puisse, par des calculs astronomiques, collecter des informations sur les comportements humains. Cela venait conforter mon intuition que derrière les apparences, une réalité plus souterraine oeuvrait et pouvait donner des explicatives aux réalités sensibles de premier ordre. Alors oui, il y a eu de réelles ouvertures vers un monde nouveau, profond. Ces portes d’entrée comme tu les appelles ont été pour moi également des portes de sortie me permettant de m’émanciper intellectuellement et existentiellement de mon cadre familier et scolaire. Cadres beaucoup trop étroits, en tout cas, ressentis comme tels, probablement en raison des caractéristiques de ma personnalité et de ma sensibilité, hormis le fait que cela puisse être mis sur le compte de la dynamique adolescente, bien entendu.

Girodet, Hippocrate refusant les présents d'Artaxerxès

Et puis vers 22 ans tu découvres les travaux de jean-Pierre Nicola et l’astrologie conditionaliste.
Quelles sont les circonstances de cette découverte ? Dans quel état d’esprit t’es-tu retrouvé ?

Oui, c’est autour de mes 23 ans que j’ai découvert l’astrologie conditionaliste en prenant des cours à Dijon avec un prof d’astrologie enseignant cette discipline atypique. Auparavant mon intérêt n’était pas allé plus loin que la découverte de ce petit livre d’astrologie que j’avais consulté dans cette fameuse bibliothèque de Troyes.
Alors que j’étais étudiant aux Beaux-arts de Dijon (j’ai alors 22 ans), je me suis soudainement intéressé à la psychologie des profondeurs et me suis pris de passion pour l’oeuvre de Carl Gustav Jung, ce qui me conduisit une nouvelle fois vers l’astrologie. Je crois que beaucoup savent que Jung s’est intéressé de très près dans sa recherche sur les profondeurs du psychisme au symbolisme, à l’alchimie et à l’astrologie. Ma curiosité vers l’astrologie ainsi relancée, j’ai commencé à étudier plus sérieusement cette discipline multimillénaire dans les livres : astrologie humaniste, astro-psychologie, astrologie traditionnelle, lecture de la Tetrabiblos de Claude Ptolémée, savant astronome, géographe et astrologue du IIe siècle de notre ère. Aucune de mes lectures sur le sujet ne me paraissait véritablement ouverte sur les réalités externes du monde dans lequel nous vivons (mise à part l’approche naturelle et ‘pré-conditionaliste’ de Ptolémée). Et surtout, je n’y trouvais pas la cohérence organisatrice que je recherchais, ni un plan de référence établi sur lequel il fût possible de tirer une méthode d’analyse, une méthode d’interprétation avec des règles communes permettant d’éviter les travers des interprétations subjectives dans lesquelles beaucoup de projections, voire de délires poético-mystiques – parfois très beaux mais hélas invérifiables par définition -, sont hélas monnaie courante en astrologie.

C’est une amie qui m’a parlé de ce prof donnant des cours d’astrologie. Et c’est comme cela que j’ai découvert l’astrologie conditionaliste qui offrait pour moi tout le sérieux, la cohérence et l’ouverture aux réalités physiques, aux lois de la nature. Mon choix était fait et depuis je n’ai pas cessé d’approfondir cette discipline que j’enseigne depuis une vingtaine d’années. J’ai rencontré Jean-Pierre Nicola cinq ou six ans plus tard (en 1992) à l’occasion d’un colloque au FIAP de Paris sur le thème de l’astrologie et la spiritualité. L’humilité, l’humanité et l’extrême intelligence déconcertante de cet homme m’ont conquis et depuis une solide amitié nous lie et s’est d’ailleurs consolidée au fil des ans par un combat commun, celui d’oeuvrer à redonner à l’astrologie ses lettres de noblesse.

pour Spinoza, les corps sont capables d’intelligence et de déterminations propres sans qu’ils aient besoin d’une volonté extérieure pour les animer !

Force est de constater que l’astro-symbolisme et l’astro-psychologie dans leurs excès (rejet ou ignorance des réalités astronomiques et bio-physiques, de la dimension prévisionnelle intrinsèquement liée à la cyclicité des ‘horloges planétaires’) ont coupé l’astrologie de ses racines concrètes, à tel point que toutes références aux réalités physiques, à la rationnalité sont presque devenues une injure à la face du ‘tout-symbolique’, du ‘tout-psychologique’ ou du ‘tout-spiritualisme’ désincarné à tendance platonicienne. On sait que dans le platonisme, les corps sont suspects, seules les idées par-delà terre, mer et ciel ont de la valeur. Souvenons-nous que pour Platon le corps corruptible est le tombeau de l’âme. A mon sens, quand l’astrologie parviendra à réconcilier l’âme et le corps, l’esprit et la matière, la raison et la poésie, signaux concrets et symboles, elle sera parvenu à l’âge adulte. Age du consentement au réel qui ne mutile pas la part d’émerveillement et de rêve de l’enfance tout aussi nécessaire que la raison pour vivre une vie pleine et heureuse. Pour toutes ces raisons et d’autres encore, je n’accepterai jamais de défendre ou promouvoir une astrologie sans corps. Sa profondeur, sa dimension humaine et cosmique, méritent plus que cela.
D’autre part, le dualisme radical et éculé corps/esprit qui traverse encore de nos jours le champ du savoir, l’astrologie ne fait pas exception, m’est devenu insupportable. Car si pour Descartes corps et esprit étaient deux réalités (deux substances) distinctes et disjointes, pour Spinoza elles sont deux attributs d’une même substance en laquelle, corps (mode de l’Etendue) et esprit (mode de la Pensée) « sont une seule et même chose qu’on appelle tantôt Décret quand on la considère sous l’attribut de la Pensée et que l’on explique par lui, et tantôt Détermination, quand on la considère sous l’attribut de l’Etendue et que l’on la déduit des lois du mouvement et du repos. » (cf. Ethique, scolie partie III-proposition 2). Pour Descartes, qui pose un dualisme ontologique entre l’esprit et le corps, ce dernier n’est qu’une vulgaire mécanique sans âme, pour Spinoza, les corps sont capables d’intelligence et de déterminations propres sans qu’ils aient besoin d’une volonté extérieure pour les animer !

La non-séparabilité du corps et de l’esprit sont au cœur des recherches actuelles en neuro-sciences.

Il est intéressant de constater que les sciences actuelles redécouvrent Spinoza en lui donnant raison. La non-séparabilité du corps et de l’esprit sont au cœur des recherches actuelles en neuro-sciences. Henri Atlan (médecin, biologiste, philosophe in article « Ce que peut le corps » dans le numéro hors-série Philosophie n° 29 consacré à Spinoza) nous fait remarquer que les organismes vivant ne séparent pas en leurs seins ce que les conditions d’observation et les langages interprétatifs des différentes disciplines séparent artificiellement. L’on observe de plus en plus des phénomènes d’émergence dans l’auto-organisation de la matière neuro-biologique où apparaissent sans que l’on comprenne encore comment « des yeux qui voient et des corps qui connaissent, par assemblages de constituants élémentaires qui en eux-mêmes ne voient ni ne connaissent » . Que ceux qui ont des oreilles entendent !

Peut-on penser que l’Astrologie conditionaliste est plus vraie que les autres formes d’astrologie  ?

Dans la suite de ce que je viens d’exprimer, je ne formulerai pas les choses de cette manière. Il me semble qu’une discipline quelle qu’elle soit n’a pas à se définir en terme de vrai ou de faux, mais plutôt en terme, peut-être, en tout cas c’est le terme qui me vient, de pertinence. Est-ce que le conditionalisme est plus pertinent qu’une autre forme d’astrologie ? A cette question je peux répondre oui, du moins par rapport à ce que je connais des autres approches astrologiques et depuis un point de vue non-universel, celui qui est le mien, dans l’état de mes connaissances et de ma pratique.
Une discipline et là je parle de toutes les disciplines qui s’inscrivent dans le champ du savoir, de la connaissance, des pratiques, de la recherche est constituée de théories, de concepts, d’une praxis, éventuellement d’une clinique. Et on peut peut-être aussi poser la question de cette manière : une telle discipline (avec ses outils, ses concepts) est-elle en adéquation, en phase avec la réalité, avec les phénomènes qu’elle se donne d’analyser, d’étudier, de penser, de comprendre, de questionner, d’interroger, de modifier, transformer ?
Alors oui, vue de cette manière, l’Astrologie conditionaliste m’apparaît comme plus pertinente ou en tout cas dotée d’une puissance investigatrice, exploratrice sur le réel, sur les phénomènes, sur les interactions entre les réalités humaines et physiques (cosmos et champ physico-biologique), que d’autres formes d’astrologie. En tout cas c’est là mon expérience, mon point de vue, eu égard à ce que je crois connaître des différents champs du savoir dans les sciences humaines et physiques.

II y a dans l’Astrologie conditionaliste des outils, des concepts, une pensée, une recherche qui permettent d’explorer le réel tel qu’il se manifeste dans nos réalités et perceptions humaines.

M’étant penché sur l’astrologie humaniste, l’astro-psychologie, l’astrologie traditionnelle seule l’Astrologie conditionaliste a su provoquer chez moi un réel enthousiasme, une réponse de poids à ma recherche de compréhension, de réponses explicatives rationnelles du lien entre le cosmos et les réalités humaines, entre l’externe et l’interne. Il y a dans l’Astrologie conditionaliste des outils, des concepts, une pensée, une recherche qui permettent d’explorer le réel tel qu’il se manifeste dans nos réalités et perceptions humaines. Cette dynamique investigatrice fait que l’Astrologie conditionaliste n’est pas fermée sur elle-même ; son savoir, ses concepts sont en évolution et ouverte sur les savoirs et sciences de notre temps.

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Jean-Pierre NICOLA, 1995

Et j’ai une grande admiration pour les travaux de Jean-Pierre Nicola qui ont abouti à forger de nouveaux concepts et outils astrologiques qui ont permis de décloisonner l’astrologie, de la sortir du carcan fataliste et d’une forme de réductionnisme intellectuel qui consiste à dire que tout est symbole, que tout s’explique par le symbolisme et l’analogisme (« Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ») et qu’il n’y a, au fond, rien à chercher, si ce n’est de se complaire dans un imaginaire à tendance magique déconnecté des réalités. Je ne fais pas là une critique de la puissance imaginative de l’homme, ni du symbolisme évidemment, ils existent et sont des réalités humaines et utiles comme approches pour gagner en connaissance sur l’inconnu, mais, ce que je veux dire, c’est que dans mes études, dans mes lectures, j’ai trop souvent constaté mais aussi entendu de la bouche d’astrologues que j’ai pu côtoyer, ce totalitarisme de la pensée symbolique qui a la prétention de tout expliquer, une chose et son contraire, si bien que pour moi, il y a là un enfermement dans une étrange tautologie du savoir. Cette tendance à la toute puissance du symbolisme et du langage métaphorique ne concerne pas que l’astrologie, loin s’en faut. Certain(e)s praticien(ne)s en psychologie (de formation lacanienne probablement) ont également la ferme conviction que « Tout est langage ». Pour la petite histoire, je me souviens de cette praticienne psy, éminente présidente d’un institut de formation en relations humaines, me partageant la difficulté d’un étudiant ne parvenant pas à rédiger son mémoire de fin de formation. Je lui avais suggéré que probablement cette personne n’ayant pas fait d’étude avait besoin d’une aide pour rédiger son mémoire, l’aisance dans l’écriture n’est pas quelque chose qui va de soi, même pour des personnes de niveau post-bac. Cette évidence « réaliste » fut écartée d’un revers de main au nom du « Tout est langage ». Il fallait selon elle aider cette personne à entendre sa difficulté de rédaction comme le langage d’une souffrance ou d’une résistance indicible ! Morale de l’histoire, l’institut en question dut se résoudre, face à la difficulté criante de cet étudiant et à d’autres situations similaires, de proposer quelques années plus tard un soutien « scolaire » pour de tels cas rebelles à la dictature du « tout est langage » ! Faut-il en rire ? Oui, si le rire guérit (gai-rire) de la surdité au bon sens !

« On ne connaît que trop cette stupidité dangereuse des cliniciens psy qui interprètent un ulcère comme un message plein de sens provenant – et s’adressant à – des instances symboliques. » (Miguel Benasayag)

A la suite de cette anecdote croustillante et au risque de m’éloigner de ta question, je souhaiterai exposer un argument issu de la recherche (cf. Clinique du mal-être de Miguel Benasayag) démontrant la dérive dangereuse du « tout est langage ». Cette question m’est particulièrement chère car étant également praticien-thérapeute j’utilise dans mon travail thérapeutique des médiations visuelles et symboliques comme des moyens facilitant l’expression de contenus signifiants sous-jacents à la parole énoncée qui, bien souvent, est entravée ou voilée par des résistances intérieures. Il s’agit là au fond de choses très banales que l’on appelle langage non-verbal ou infra-verbal. Ces médiations sont des amplificateurs parfois très étonnants du langage non-verbal inconscient qui s’exprime dans l’espace protégé et sécurisant du lien thérapeutique.
Etant rompu par ma pratique à l’écoute des différents langages conscients (rationnels la plupart du temps) et inconscients (à dimension symbolique) qu’use la personne dans un entretien, je reste très prudent pour ne pas forcer ou ‘absolutiser’ le sens entendu dans l’ordre du symbolique car dans ce type de langage les messages ont toujours plusieurs sens (c’est la nature équivoque du signe dont parle Spinoza). D’où prudence… car comme l’explique le psychanalyste, philosophe, épistémologue et chercheur en neurosciences Miguel Benasayag, il existe entre chaque niveau d’organisation (le soma, la psychè dans notre exemple) une « barrière transductive stochastique ». Ce qui veut dire que chaque niveau à son propre langage et même si plusieurs niveaux interagissent l’un avec l’autre par le biais de stimuli, le sens des effets produit par ces interactions est propre à chaque niveau car transduction ne veut pas dire traduction. D’autre part, cette barrière étant également stochastique, c’est à dire non déterministe, « à un même stimulus du système A, différentes réactions du système B sont possibles. Il y a là un élément non prédictible et aléatoire […] Par exemple, il est inévitable qu’une affection somatique comme un ulcère “affecte” l’appareil psychique affectif et symbolique. Cette “affection” n’aura n’aura cependant rien à voir avec le fonctionnement propre de l’appareil psychique : ce ne sera pas une “traduction”. On ne connaît que trop cette stupidité dangereuse des cliniciens psy qui interprètent un ulcère comme un message plein de sens provenant – et s’adressant à – des instances symboliques. Un ulcère est un ulcère, un point c’est tout ». Cette explication permet de comprendre pourquoi « ce qui est en haut » n’est pas « comme ce qui est en bas » et pourquoi il est grotesque de confondre des référentiels de nature et de fonctionnement différents en leur prêtant un langage symbolique commun. Le modèle S.O.R.I (référentiels Sujet-Objet-Relation-Intégration) de l’Astrologie conditionaliste, j’en dirai un mot tout à l’heure, illustre l’identité, l’indépendance et l’autonomie des référentiels. Les biologistes utilisent le terme « clôture opérationnelle » 1 » à propos des systèmes vivants autonomes relativement clos sur eux-mêmes qui peuvent évidemment interagir les uns avec les autres. Mais chaque système conserve son identité et ses règles de fonctionnement interne. En somme, chaque système autonome a son propre langage. Un ulcère ne peut donc communiquer avec les instances symboliques de la psyché pour reprendre les propos de Miguel Benasayag, pour cela il faudrait qu’ils partagent une langue commune, ce qui n’est pas le cas entre référentiels de nature différente. Les tenants du « tout est langage » et du « tout est symbolique » préfèreront-ils sans doute ignorer ces résultats de la recherche actuelle que permet la « connaissance du deuxième genre » qui s’intéresse aux causes réelles des phénomènes pour en comprendre les effets.
Mais peut-être te demandes-tu comment, compte-tenu de l’autonomie et de la clôture des référentiels qui, entre eux, n’ont pas de langage commun, par quels chemins, quelles explications réalistes les planètes, qui ne sont pas des symboles, peuvent « déclencher » des réponses humaines autant dans le soma que dans la psychè ? Cela reste un sujet de recherche car nous n’avons pas à ce jour d’explications vérifiables, nous en sommes encore au stade des hypothèses. L’hypothèse la plus crédible à mon sens repose sur les couplages neurobiologiques existants entre les horloges internes (biologiques) et les horloges externes de l’environnement (les rythmes des activités sociales et les rythmes naturels comme les saisons, le photopériodisme, et pour l’astrologie, le rythme des cycles planétaires du système solaire).

La Théorie des âges ou comment les stades de maturation sont couplés aux « horloges planétaires »

Les stades planétaires de 1 à 84 ans
Pour être comprise, cette hypothèse de couplage entre horloges internes et externes demande de sortir du modèle scientifique classique dominant dans la culture occidentale qui considère que la connaissance est un miroir de la nature. Ce modèle pense également le monde sur le mode des causalités linéaires (une cause A produit un effet B) et sur la séparation du sujet (celui qui observe) et de l’objet (ce qui est observé), sans prendre en compte que sujet et objet sont pris dans des réseaux d’interrelations complexes de co-création ou co-engendrement. Depuis les années 70 ce modèle classique bat de l’aile et ce, en raison des résultats de la recherche en neuroscience où sont apparues ces nouvelles notions d’émergence, d’auto-organisation, de co-création. La métaphore du chemin qui ne préexiste pas au marcheur puisqu’il se fait en marchant commence à supplanter la métaphore de la connaissance miroir de la nature. Le chemin et le marcheur, comme le sujet et l’objet sont interdépendants (A agit sur B qui en retour B agit sur A). Cette nouvelle manière de penser le monde met en avant la notion de « chemins de couplage ». Sous certaines conditions, sous certaines contraintes environnementales, on voit apparaître des causalités circulaires complexes où sujet et objet vont ensemble trouver un « chemin de couplages » (entre A et B apparaît une relation de co-création où il devient artificiel de différencier A et B comme des entités autonomes et indépendantes l’une de l’autre). C’est ce qu’à constater Jean-Pierre Nicola au début des années 60 dans ce qu’il a appelé la « Théorie des âges » : les durées des stades de maturation tels que ceux mis avant par les psychogénéticiens (Piaget, Wallon, Spitz) sont couplées aux durées de révolutions sidérales des planètes du système solaire. On constate que les significations astrologiques des planètes concernées correspondent étroitement aux facultés mentales, psycho-affectives qui apparaissent au sein de chaque stade.

Ce couplage étonnant entre cycles planétaires et stades de développement devrait interpeler les scientifiques ouverts peu ou prou à l’astrologie d’aujourd’hui.

Par exemple, chez l’enfant, l’acquisition de la permanence de l’objet, la capacité à se fixer des buts, la reconnaissance de sa propre image (stade du miroir), la sociabilité volontaire apparaissent entre 7 mois et 1 an, ce qui correspond au stade solaire de la Théorie des âges (de la fin du cycle précédent de Vénus qui est de 7 mois 1/2 et la durée du cycle solaire qui est de 1 an) où les significations du Soleil sont en lien avec la notion de conscience claire de soi-même (en Astrologie conditionaliste la fonction planétaire ‘Soleil’ est, dans le modèle R.E.T., une fonction de « représentation de Représentation »). Durant le stade « marsien » entre 1 an et 2 ans (de la fin du cycle solaire à la fin du cycle de Mars qui est de 2 ans) apparaît la marche et la découverte d’un monde « objectal » dont l’enfant ignore tout et qu’il apprendra à connaître « par corps ». Les douloureuses expériences de ce stade sont en étroites relations avec les significations de la « fonction marsienne » astrologique (« existence d’existence ») : goût des confrontations directes, de l’action pour l’action, des luttes nécessaires pour maintenir son existence…
Ce couplage étonnant entre cycles planétaires et stades de développement devrait interpeler les scientifiques ouverts peu ou prou à l’astrologie d’aujourd’hui.
Comment expliquer de tels couplages entre horloges du vivant et horloges planétaires ? Certainement pas par l’analogie entre le « haut » et le « bas » tu en conviendras. Il y a là une voie de recherche sérieuse qui mériterait d’être explorée car ce chemin à peine esquissé n’est pas encore tout tracé ; il le sera quand des marcheurs curieux, libres et épris de connaissances le feront exister par leurs marches.

Pour ne pas perdre le fil de notre propos, revenons après ce long détour à l’usage du symbolisme en astrologie.

L’Astrologie conditionaliste peut utiliser bien entendu le langage symbolique, faire appel bien entendu à l’imaginaire, ce sont des moyens pour communiquer, pour penser, faire des liens entre les phénomènes, mais elle ne perd jamais de vue la dimension du réel qu’elle définit d’ailleurs en trois niveaux de perception, de degrés de puissance : le niveau du langage, des codes, des mots, qu’on désigne dans notre jargon par ‘Représentation’, le niveau des réalités concrètes, expérimentales, le vécu, les faits, ce sur quoi nous buttons (niveau ‘Existence’) et le niveau des réalités complexes, des lois inconnues, des phénomènes qui échappent à la conscience et qui ne peuvent se formuler par des mots, des codes univoques, des phénomènes qui ne peuvent ni se prêter à des expérimentations, ni être définis par la pensée, touchés par les corps. On appelle ce troisième niveau en Astrologie conditionaliste la ‘Transcendance’ (dans le sens de ce qui est au-delà des perceptions immédiates, des représentations, des réalités tangibles).

Jean-Pierre Nicola a dans sa recherche jeter des ponts entre les mots, les codes, les symboles et les réalités concrètes des signaux physiques

Pour l’Astrologie conditionaliste le symbolique, l’imaginaire se situent, pour faire simple, au plan des représentations, le premier niveau du modèle R.E.T. (Représentation-Existence-Transcendance). Jean-Pierre Nicola a donc dans sa recherche tenté, et je crois qu’il y est parvenu, à jeter des ponts entre les signes (les mots, les codes, les symboles…) et les réalités concrètes des signaux physiques (mesurables, analysables comme le mouvement des planètes, l’organisation spécifique du système solaire, le phénomène du photopériodisme donnant une explicative au zodiaque tropique). Symboles et signaux communiquent ! Et c’est cela même qui m’a convaincu, lorsque j’ai dû faire un choix entre les différentes formes d’astrologie, de la pertinence de l’approche conditionaliste. Une astrologie qui « sent bon le Réel ! » (titre d’une rubrique de Jean-Pierre Nicola des Cahiers Conditionalistes édités par le COMAC)

schéma de relations entre signaux et symboles

Tu évoques à plusieurs reprises et de diverses manières la question d’une réalité derrière le réel, et d’ailleurs tu as rencontré J.P.Nicola dans un colloque intitulé « Astrologie et spiritualité ». Ma question sera double :

(a) L’astrologie dévoile-t-elle selon toi une réalité « organisatrice et pourvoyeuse » de sens qui ne se limite pas à de purs principes physiques ou biologiques, des lois scientifiques et naturelles ?

(b) L’astrologie a-t-elle une dimension spirituelle ? C’est-à-dire, si l’on suit M.Foucault, qu’elle est une pratique et une expérience qui permet la transformation du consultant en l’éclairant sur des éléments de sens qui lui avaient échappé et le rapprocheraient de la vérité.

Avant de répondre, j’ai besoin de préciser par souci de clarté le sens de ces notions que sont la réalité et le réel. Tout d’abord je fais une distinction majeure entre apparences et réel ou réalité. Comme je l’ai exprimé plus haut, à l’adolescence je pressentais que derrière les apparences, devait exister une réalité plus profonde. Apparences et réel ne se confondent pas dans mon esprit.

le réel est ce qui excède nos propres limites humaines, le réel est donc plus vaste que la réalité

Je crois que la philosophie désigne le réel comme l’ensemble des lois connues et inconnues. Il y a ce que nous connaissons du monde, par nos expériences humaines, que ces expériences soient subjectives ou le résultat d’expérimentations scientifiques à vocation objective (pour moi la frontière entre subjectivité et objectivité n’est pas aussi tranchée que cela). Par ailleurs, la formulation des lois scientifiques sont toujours liées à notre perception de la réalité, c’est-à-dire à ce que notre cerveau est capable d’analyser, de comprendre, de conceptualiser. Par conséquent je pense que la réalité est étroitement liées à nos possibilités et capacités humaines à saisir, à comprendre le monde. J’ai envie de dire que la réalité est circonscrite à nos capacités humaines, or le réel est ce qui excède nos propres limites humaines, le réel est donc plus vaste que la réalité, cette dernière étant un sous-ensemble du réel. Pour le psychanalyste Jacques Lacan le réel est aussi ce sur quoi nous nous cognons. Il y a là comme une opacité du réel qui met en échec notre entendement, notre possibilité de symbolisation. Le réel n’est donc pas réductible à ce que nous nommons réalité, cette dernière ne lui est que partiellement superposable. En somme le réel se montre et se dévoile aussi bien dans ses apparences, ses manifestations concrètes, qu’en sa complexité et opacité irréductible en des mots, formules ou expérimentations. Ces trois niveaux d’émergence désignés dans l’Astrologie conditionaliste par le vocable R.E.T. (Représentation, Existence, Transcendance) sont reliés entre eux par des fonctions de transformation (maintien, réduction ou augmentation) d’informations 2). Ce qui donne un modèle général de codage-décodage de la réalité, appelé Logoscope ou matrice-mère, avec dix fonctions dont chacune est en lien avec une planète du système solaire. Ce modèle est d’une richesse inépuisable, d’autant plus qu’il n’est pas clos sur lui-même et peut se multiplier à l’infini en conservant sa structure de base.
Ce modèle d’organisation de l’information se présente comme une « structure qui relie » (terme que j’emprunte à G. Bateson) les aspects externes et internes des êtres et des choses. Ce modèle fait apparaître une structure organique fondamentale commune au système solaire, à l’atome d’hydrogène en passant pas les organismes vivants au sens large (homme, animal et systèmes collectifs qu’ils co-produisent : sociétés, écosystèmes, économies…).

Déclinaison du Logoscope dans les 4 référentiels du S.O.R.I

La recherche atypique et innovante de Jean-Pierre Nicola dans le monde astrologique a de quoi étonner et interpeler quiconque sait apprécier à sa juste valeur le cadre général et universel des concepts conditionalistes. C’est pourquoi, à mon sens, l’Astrologie conditionaliste est bien plus qu’une discipline astrologique, elle déborde celle-ci tout en l’enveloppant et l’enrichissant, mais surtout elle se présente comme une nouvelle science « relationnelle » qui étudie les différents langages du vivant et de l’esprit en étroite relation avec l’organisation planétaire du système solaire. Jean-Pierre Nicola a baptisé cette nouvelle science : Cosmo-Noologie dans son récent ouvrage (Le Ballet des coïncidences, Opéra conditionaliste – 2014)
Je ne peux que renvoyer les lecteurs en quête de fondements sérieux de l’astrologie aux ouvrages conditionalistes ou aux cours d’astrologie que je dispense (www.cours-astrologie.net).

Le R.E.T. Matrice-père des significations humaines des fonctions planétaires

La Matrice-mère du R.E.T. ou Logoscope (matrice numérique de progression 2)  se multiplie à l'infini en conservant sa tructure de base.

Peut-on séparer ou couper de manière radicale l’astrologie des « purs principes physiques ou biologiques, des lois scientifiques et naturelles » sur lesquels elle repose pour reprendre ta formulation ?

Etudier la nature, ses lois physiques c’est découvrir à travers elles des propriétés étonnantes qui renvoient aux caractéristiques mêmes de la nature humaine.

Je me permets de reformuler ta question de cette manière en raison de ce que j’y lis de manière sous-jacente. Il est bien difficile de sortir du dualisme cartésien à la française qui imprègne bien souvent et insidieusement nos manières de penser (j’en suis bien souvent la première victime !). Surtout lorsqu’on aborde des disciplines où la part de l’esprit et/ou de l’irrationnel est supposée prépondérante. Comme je l’évoquais tout à l’heure, nos parti-pris conceptuels ou philosophiques font que nous décrivons le réel dans des langages interprétatifs qui ne rendent qu’imparfaitement compte des réalités que nous croyons observer avec objectivité. Il existe une dualité sémantique, sans doute inévitable, lorsqu’on essaie de comprendre et de décrire l’activité de la matière dans sa complexité, ses multiples niveaux d’organisation, ses modes d’auto-organisation émergents où apparaissent des formes surprenantes d’intelligence. C’est pourquoi, je ne crois pas qu’il faille opposer et renvoyer dos à dos ce qui relève « des purs principes physiques ou biologiques » et ce qui relève de l’esprit. Si l’Astrologie conditionaliste dérange les promoteurs d’une astrologie symboliste récusant toutes formes d’influences astrales (au sens physique du terme) et prônant un monde où tout ne serait que correspondances poétiques, c’est bien en raison d’un divorce idéologique qui tente de faire accroire que seul l’esprit est noble et que la matière et les corps ne sont que subalternes, sans épaisseurs, sans qualités et sans capacités intelligentes !

Etudier la nature, ses lois physiques c’est découvrir à travers elles des propriétés étonnantes qui renvoient aux caractéristiques mêmes de la nature humaine. A ta question « L’astrologie dévoile-t-elle selon toi une réalité ‘organisatrice et pourvoyeuse de sens’ qui ne se limite pas à de purs principes physiques », je répondrai que les principes physiques et l’étude des lois naturelles loin de limiter nos connaissances sur l’humain sont capables, bien au contraire, de nous en dévoiler tous les trésors. C’est le sens intime de toute la recherche conditionaliste qui repose sur un principe d’intégration. Je te livre un extrait éloquent des Eléments de cosmogonie astrologique de Jean-Pierre Nicola :

On ne peut comprendre l’œil sans connaître le Soleil …écrit S. Vavilov (dans L’Œil et le Soleil). Au contraire, les propriétés du Soleil nous permettent théoriquement de brosser un tableau des propriétés de l’œil telles qu’elles doivent l’être, sans les connaître, à l’avance.

« Cette déclaration d’un académicien des sciences, ex-Président de son académie, mérite d’être élargie : on ne peut comprendre, ni connaître l’homme, sans connaître et comprendre le système solaire, la lumière, la gravitation, tout ce que gouverne le Soleil et qui le gouverne. Sur ce principe d’intégration, des savants pas trop bornés, des mystiques un peu logiques, s’accordent sans peine. » 

Pour ma part et pour toutes les raisons évoquées plus haut, je ne sépare pas les réalités bio-physiques, les lois de la nature, du phénomène humain (psychologie, éthologie) et je fais volontiers mienne cette formulation de Spinoza (préface de la partie III de l’Ethique) : L’homme n’est pas un empire dans un empire.
Je ne crois pas que Jean-Pierre Nicola soit spinoziste ou lecteur assidu de Spinoza, mais dans l’Astrologie conditionaliste l’externe (les cycles planétaires) et l’interne (activité nerveuse, pensée, psychologie, comportement) ne sont pas séparables car l’espèce humaine, comme toute vie animale ou végétale, se sont développées depuis l’origine en relations étroites avec les lois de la nature. Autrement dit, toutes les formes de vie sur Terre sont régies par les mêmes lois naturelles. Cette évidence éclaire aussi le sens du terme « conditionaliste ». L’homme, dans ses ‘parties extensives’ pour reprendre une expression spinoziste, est le produit d’un ensemble de conditionnements, de déterminismes et il n’est pas cause de lui-même. Par conséquent, pour que l’homme se comprenne lui-même, il doit non seulement examiner ses propres pensées, volontés, désirs mais aussi apprendre à connaître les déterminismes qui lui sont extérieurs, comme ceux que l’Astrologie étudie, et qui déterminent sa liberté ou du moins en donnent le cadre et les conditions d’exercice. A ce titre, l’Astrologie conditionaliste peut être un chemin, une forme de philosophie et d’éthique pour la conduite de sa vie en lien profond avec la Nature.

Quant est-il du rapport de l’astrologie avec la spiritualité ?

la vraie liberté est adhésion consciente à sa propre nécessité intérieure

A mon sens la spiritualité est une réponse humaine possible aux sollicitations du cosmos que représente le thème astral du sujet. En soi, l’astrologie n’a pas de contenus explicitement spirituels. La spiritualité est, je dirai, une dimension ajoutée, projetée depuis l’intériorité humaine sur la ‘matière’ astrologique. En effet, chacun est libre de donner un sens à son rapport au monde, que celui-ci passe par l’astrologie ou par d’autres connaissances ou expériences.
Quant à la quête de vérité que tu évoques – j’y ai déjà répondu partiellement – toutes les disciplines de connaissance de soi peuvent être des chemins pour nous aider à mieux nous comprendre, mieux nous situer dans le monde, à mieux découvrir la complexité de notre nature. L’astrologie participe de cette connaissance de soi, des autres, du monde et peut aider les quêteurs de vérité à progresser dans cette voie. Si, d’un point de vue spinoziste, la vraie liberté est adhésion consciente à sa propre nécessité intérieure alors l’astrologie peut être utile car elle aide à conscientiser ses propres tendances ou tropismes internes qui sont en continuité avec l’externe. Rappelons que pour Spinoza, la connaissance rationnelle et l’intuition – parachevant en quelque sorte la connaissance rationnelle et permettant d’atteindre directement l’essence singulière des choses – peuvent mener à la joie et à la vie bonne et libre.

« Symboles et signaux communiquent » dis-tu. Cependant les symboles débordent largement les signaux. Chez Jung, justement, le symbole désigne « un contenu qui transcende la conscience » sinon il meurt et se réduit à un signe. Comment entends-tu le lien qui se noue entre symbole et signe ?

Effectivement pour Jung le symbole renvoie à une dimension, un contenu plus riche, plus vaste que ce qu’il montre ou désigne. Le symbole est, pour le citer, « un terme, un nom ou une image qui, même lorsqu’ils nous sont familiers dans la vie quotidienne, possèdent néanmoins des implications qui s’ajoutent à sa signification conventionnelle et évidente. Tant qu’un symbole est vivant, il est la meilleure expression possible d’un fait ».
« Il n’est vivant que tant qu’il est gros de significations. Que cette signification se fasse jour […], que l’on découvre l’expression qui formulera le mieux la chose cherchée, attendue ou pressentie, alors le symbole est mort : il n’a plus qu’une valeur historique ».

L’Astrologie conditionaliste, tu l’auras compris, ne s’arrête pas au symbole qui est un point de départ, un panneau indicateur d’une dimension plus vaste à découvrir, à explorer…

C’est dans ce sens jungien (et spinoziste, je reviendrais sur ce sens un peu plus loin) qu’il faut comprendre les contenus signifiants de l’Astrologie conditionaliste. En effet, Jean-Pierre Nicola, en véritable chercheur en quête de contenus consistants et rationnels a su « découvrir l’expression qui formule le mieux la chose cherchée, attendue ou pressentie ».
Je remarque que Spinoza dans l’Ethique dit quelque chose qui va dans le même sens : pour sortir de la connaissance du premier genre, inadéquate, vague, partielle, en un mot, subjective et « cause unique de la fausseté » (Ethique, Partie II, Proposition 41) l’on doit s’efforcer par l’exercice de la raison d’atteindre le deuxième et troisième genre de connaissance permettant de comprendre les choses en leurs essences et leurs nécessités. Pour Spinoza les signes (les symboles en sont) sont de nature équivoque, multivoque et ne permettent pas de connaître l’essence des choses, ce qu’elles sont en elles-mêmes. Seule la connaissance des lois de la Nature, de nature univoque, permet de libérer l’homme de son état de servitude. Il s’agit pour Spinoza d’apprendre à passer des « idées vagues et confuses » de la connaissance du premier genre aux « idées claires et distinctes » du deuxième et troisième genre de connaissance, en somme, de passer d’un monde des signes de nature équivoque à un monde des lois de nature univoque. Comme pour Jung et comme pour Spinoza, il y effort à atteindre l’expression qui formule clairement la chose à laquelle le signe ou le symbole renvoie de manière vague, imparfaite et confuse.

Pour revenir à notre sujet, la recherche conditionaliste a permis de démontrer que derrière les symboles astrologiques de la tradition (la symbolique zodiacale, des planètes) existait une réalité manifeste, concrète, pas seulement imaginaire. Cette réalité est celle des signaux concrets de la nature tels que nos sens peuvent les percevoir, les assimiler, les transformer, les exprimer en langage humain et symbolique par le truchement d’un système nerveux évolué, doté d’une intelligence imaginative et conceptuelle. Il en est ainsi du zodiaque photopériodique qui reflète le cycle des variations des rapports des arcs diurne/nocturne des planètes. Ce zodiaque-signal non symbolique a une structure et une cohérence telles qu’il se prête à de fines analyses sur la base des éléments univoques qui le définissent. L’analyse qu’on en tire permet de retrouver les significations que la symbolique zodiacal contenait, pressentait tout en l’enrichissant de significations nouvelles. En toute logique jungienne, dans la mesure « où l’expression qui formule la chose cherchée » est découverte et la « chose cherchée » dévoilée, le recours à la symbolique traditionnelle du zodiaque n’a plus lieu d’être en tant que support intuitif et interprétatif, même si ce dernier conserve sa valeur historique. On voit bien que pour Jung un symbole est une porte vers l’inconnu, un inconnu qui transcende bien entendu le symbole lui-même qui n’est au fond qu’une image. L’Astrologie conditionaliste, tu l’auras compris, ne s’arrête pas au symbole qui est un point de départ, un panneau indicateur d’une dimension plus vaste à découvrir, à explorer… comme par exemple l’homologie de la distribution des orbites permises de l’électron de l’atome d’hydrogène avec la distribution des orbites planétaires de notre système solaire. L’hydrogène est l’atome le plus simple et le plus répandu dans l’univers et il pourrait être, selon la recherche de Jean-Pierre Nicola, une voie d’explicative du lien profond qui relie l’homme au système solaire puisqu’il est commun au Soleil, à l’homme et au ciel. L’hydrogène serait donc le maillon, le tissu commun par lequel le vivant et le non-vivant communiquent. Je te renvoie ainsi que les lecteurs curieux aux recherches en cosmogonie de Jean-Pierre Nicola (cf. Eléments de cosmogonie astrologique, édité par le COMAC et la vidéo Youtube de présentation des Sources de l’Astrologie moderne).

En dépassant le symbole (il n’est qu’une étape pour Jung vers la connaissance des réalités plus profondes), la recherche conditionaliste, ne se satisfaisant pas des réalités de premier ordre (les apparences, les illusions de perception de la réalité), a su accéder à une dimension de réalité plus profonde, plus dense, plus riche. Ce qui a ouvert la voie à une astrologie « nodale » permettant de comprendre par un effort de la raison comment le vivant et le non-vivant communiquent, comment l’interne (l’activité nerveuse fondamentale, la physiologie) et l’externe (les cycles cosmiques) sont couplés et non-séparés. Et cette recherche ne s’est jamais enfermée dans de pures spéculations puisqu’elle a accouché de nouveaux modèles (le R.E.T., le S.O.R.I., la Théorie des âges, le zodiaque-signal et réflexologique, le modèle d’interprétation du Héros et son Ombre), d’une nouvelle manière de penser et de pratiquer l’astrologie dans un esprit de modernité en phase avec l’état des savoirs si riches de notre époque et sans rien renier de ses origines mésopotamienne, chaldéenne et grecque.

Tu parles des philosophies de Descartes et Spinoza comme de soubassements des formes d’astrologie. Mais, un jour, dans une discussion tu m’as suggéré que les thèmes de chacun de ces philosophes permettaient de comprendre leurs démarches, dualiste pour Descartes, moniste pour Spinoza. Pour finir ne pourrais-tu pas, à guise d’illustration de l’astrologie conditionaliste, détailler la façon dont chacun d’eux met en oeuvre sa pensée ?

Oui, ta question montre que l’Astrologie conditionaliste est capable de rendre compte de modes d’expression extra-psychologiques ou extra-caractérologiques. C’est d’ailleurs un sujet que j’avais traité lors d’une conférence au colloque Conditionaliste ‘Image et Représentation‘ qui s’était tenu à Paris en 1998. Dans cette communication je m’étais appuyé sur des oeuvres picturales pour « montrer que le terrain privilégié de l’influence astrologique n’est pas seulement le psychologique ou l’événementiel, mais aussi la vie de l’esprit dans ses formes les plus variées. » A cette époque le concept de Cosmo-noologie n’avait pas encore été formulé, mais ses contenus et ce qu’il désigne aujourd’hui étaient déjà présents puisque l’Astrologie Conditionaliste est intrinsèquement cosmo-noologique ! Voici le lien vers cette communication intitulé Images de l’invisible > cliquez ici.

Permets-moi de citer tout d’abord Jean-Pierre NICOLA à propos de la dimension noologique du zodiaque conditionaliste :

« Ignorée, dédaignée par les astrologues, la classification des rapports jour/nuit (zodiaque photopériodique) ou des ouvertures Nord/Sud (zodiaque des déclinaisons), donc une systématique de la variation d’un couple de contraires, a amplement enrichi l’interprétation et la compréhension des Signes sous l’angle noologique, c’est-à-dire la façon dont un esprit comprend et traite les contraires, dans ses comportements, ses modes de pensée et d’expression.
Le jour et la nuit forment le couple cosmologique universellement consacré à la symbolisation de tous les contraires. Ce sont également des signaux biologiques et des vecteurs d’effets noologiques, conditionnant – je le suppose et je le crois – les attitudes spécifiques envers d’autres couples de contraires, selon les partitions des Signes et la fonction de chaque Signe à l’intérieur de sa partition. »
(in Le Ballet des coïncidences, Opéra conditionaliste, p. 103)

A présent, comment comprendre le dualisme cartésien et le monisme spinoziste astrologiquement parlant ?
Le thème de René Descartes (né le 31/03/1596 – 2h00 à La Haye) montre une amas planétaire de cinq planètes dont le Soleil en Bélier. On en déduit une forte dominante zodiacale Bélier. Quatre des ces planètes font partie de la famille ‘Discours’ du R.E.T. Nous avons déjà là des informations en soi très parlantes. Le Bélier, signe équinoxial (égalité jour/nuit), met en avant la fonction noologique ‘Sens des contraires’ qui consiste à percevoir et à comprendre la réalité dans ses aspects duels, contrastés, opposables comme le nuit l’est au jour, le blanc au noir, la pensée à la matière.
Le thème de Baruch Spinoza (né le 24/11/1632 – 14h00 à Amsterdam) fait apparaître la présence de quatre planètes dont le Soleil en Sagittaire, d’où une forte dominante zodiacale Sagittaire, signe solsticial s’il en est (nuit croissante vers son maximum de durée, jour largement minoritaire) mettant en avant la fonction noologique ‘Sens des ensembles ou de synthèse’. Alors que le ‘sens des contraires’ Bélier conduit l’esprit à percevoir le réel en terme de couples d’opposés , le ‘sens des ensembles’ Sagittaire, favorisera des perceptions globalisantes, unifiantes.
Cet exemple illustre éloquemment, me semble-t-il, deux fonctionnements cognitifs, noologiques qui n’ont rien de commun, là où la pensée Bélier, oppose, exclut, la pensée Sagittaire, globalise, unifie. Au dualisme cartésien Bélier, Spinoza propose une philosophie où tout se tient, sans exclusion, en un soubassement ontologique unique et infini qu’il appelle substance ou Nature. Il serait possible de décrire avec plus de nuances encore toutes les caractéristiques de la dynamique Bélier et Sagittaire pouvant rendre compte de ces deux modes de pensée, mais tu ne m’en voudras pas si je me limite ici à ces quelques prémices explicatifs qui mériteraient de plus larges développements.

Conclusion

Et enfin, pour clore cet entretien et rejoindre l’intérêt que tu portes à la philosophie comme moyen d’accès à la vérité et à une vie meilleure, je crois pouvoir dire que l’Astrologie conditionaliste est pour moi, au-delà de la pratique purement astrologique (entretiens d’aide, consultations, enseignement), une source de méditations philosophiques sur le Réel. Et sans doute doit-il être possible de trouver dans cette approche-carrefour entre sciences physiques et sciences humaines une méthode pour exister pleinement en gagnant en lucidité sur nos déterminations internes et externes et sur les illusions inévitables auxquelles nous expose toute recherche de la vérité. Et, au-delà des aspects philosophiques qui personnellement me passionnent, l’Astrologie Conditionaliste peut offrir à celles et ceux qui n’opposent pas rigueur et imagination, rationalité et intuition, réalisme et poésie une démarche méthodique, efficace et inédite.


RESSOURCES

Le site de Jean-Pierre NICOLA > www.jean-pierre-nicola.fr

Cours d’Astrologie conditionaliste à distance > www.cours-astrologie.net

Logiciels d’Astrologie Azimut35 > www.logiciel-astrologie.eu

Chaîne Youtube Jean-Pierre NICOLA > Chaîne Youtube

Bibliographie conditionaliste > Publications COMAC

Notes :

  1. Je crois que nous devons au neurobiologiste et philosophe chilien Francisco Valera la notion de « clôture opérationnelle » qu’il définit de la sorte : « Nous dirons d’un système autonome qu’il est opérationnellement clos si son organisation est caractérisée par des processus:

    a) dépendant récursivement les uns des autres pour la génération et la réalisation des processus eux-mêmes, et

    b) constituant le système comme une unité reconnaissable dans l’espace (le domaine) où les processus existent . »

  2. Je fais un lien avec le sens du mot information que lui donne le chercheur hors-norme Gregory Bateson (1904-1980) pour rendre compte des caractéristiques essentielles des phénomènes vivants. « Abandonnant la métaphore énergétique, base des théories freudiennes – et selon lui inadéquate pour rendre compte des caractéristiques essentielles des phénomènes vivants – il va participer très activement à l’élaboration d’un modèle explicatif très différent dont la pierre angulaire est la notion d’information (« la différence que fait la différence »), particule élémentaire des phénomènes interactionnels, des échanges entre les individus. À partir des mécanismes de traitement, de codage, de structuration et d’évolution des informations, il chercha à établir un nouveau cadre conceptuel pour les sciences de l’homme » (extrait de la Biographie de G. Bateson dans l’Encyclopédie de l’Agora). Il avait l’intuition avant même de mener des recherches en cybernétique et systémie dans les années 60, qu’il devait être possible de trouver des ponts entre les structures du non-vivant et du vivant. A ce titre, sa recherche mondialement reconnue présente une étrange familiarité avec l’oeuvre de Jean-Pierre Nicola. En effet, ce dernier partant de la structure du système solaire (cf. Eléments de cosmogonie astrologique) a élaboré lui aussi de nouveaux concepts astrologiques qui dépassent d’ailleurs le cadre purement astrologique. Le plus remarquable est sans doute le Logoscope.