Astrologie et Foi chrétienne

Prêtre catholique et orientaliste, Maurice Maupilier était un spécialiste des études comparées des psychologies religieuses et mystiques, surtout orientales. Il a publié entre autres ouvrages « Le Yoga et l’homme d’occident », « Louis-Marie Beaudouin et ses disciples », « Les mystiques hindous-chrétiens ». Il nous avait fait l’honneur d’intervenir au Colloque « Astrologie et Spiritualité » (organisé par l’A.R.R.C. et le C.O.M.A.C. au FIAP de Paris les 17 & 18 octobre 1992). Voici sa communication qui fut très attendue par le public.
Patrick Le Guen-Phal

L’essentiel rigoureux de ce qui est appelé foi chrétienne

L’appellation « Dieu » ne fait pas, de soi, partie de la Foi chrétienne. Pas plus que les autres appellations individualisées, personnalisées, qui tenteraient d’exprimer l’Illimité de l’Etre, de la Vie, de la Conscience, sous des formes linguistiques humaines, toutes, par définition, étroitement limitées. C’est le grand avertissement des Juifs, la grande réalité psychologique négative dans laquelle ont vécu Jésus et tous les premiers chrétiens. On peut même estimer que le vocable Dieu est aujourd’hui plus usé, plus déviant du réel que les appellations moins lourdes, plus dénuées d’images comme : le Suprême, la pleine Origine Consciente et Enfantante de tout et tous, la Plénitude-Origine, ou tout simplement : la Plénitude. Dieu devient Dieu quand la créature le nomme Dieu.

Foi chrétienne ?
Faites l’inventaire de toutes les histoires extraordinaires, de toutes les visions, apparitions, prophéties et prédictions, ou des miracles effectués, ou non, dans les pèlerinages plus ou moins connus. Cela ne relève pas de la foi chrétienne, ne peut être imposé à la croyance de qui que ce soit au nom de la foi chrétienne. Si cela était imposé, ce serait au nom de pouvoirs humains. De même, les chrétiens sont libres de leurs dévotions, d’en avoir ou de n’en avoir pas. De même, aucun système tentant l’explication du monde, de l’être, de l’être humain, quelle que soit son origine ou la notoriété de ses fondateurs (même s’il s’agissait de personnages vénérés, déclarés saints officiellement ou non) rien de tout cela relève de la foi chrétienne. De même, aucun système d’organisation administrative, même vaticanien, ne peut s’imposer au nom de la foi chrétienne. Il peut disparaître, comme les bâtiments, les sanctuaires les plus illustres ou leurs reliques, et être remplacé par un autre, par d’autres, cela ne relève pas d’une injonction ou d’une protection de la foi chrétienne. Elle n’a pas plus à intervenir comme moyen de défense en ces domaines, qu’elle n’a à justifier des rites ou habits liturgiques ou à les imposer immuablement.

Pour conclure ce passage, prenons des exemples éclatants : la foi chrétienne ne condamnait ni Savonarole ni Galilée. Ils l’ont été par des puissances humaines cléricales intruses dans la foi chrétienne et qui avaient puissance humaine d’imposer leurs décisions. Il en a été de même pour Jésus Christ. C’est si vrai que, supposé demain la disparition du Pape actuel, dès la seconde de sa mort, les hauts, moyens ou petits fonctionnaires du Vatican, perdent tout pouvoir et le successeur peut suivre une conduite politique autre et remplacer à son gré ou déplacer ces fonctionnaires d’organisation pratique.
L’infaillibilité ? Elle ne joue que sur des textes ordinairement de quelques lignes et qui ne valent que dans la mesure où ils expriment la foi chrétienne telle que les chrétiens de toute langue l’ont toujours crue. Tout le reste de l’enseignement, par exemple du pape actuel, peut fort bien être discuté, n’être pas admis, et le pape actuel le sait d’ailleurs fort bien.

En quoi consiste donc la Foi chrétienne en ses éléments essentiels ?
S’il s’agit de ses éléments essentiels généraux, ils sont répétés en formulation très anciennes assez connues et nous ne sommes pas ici pour en traiter à perte de vue. Ce qui est immédiatement intéressant c’est l’affirmation de la Foi chrétienne qui toucherait de quelque façon ce que vous pouvez pensez de l’Astrologie.

La foi chrétienne c’est la Foi des chrétiens considérée comme représentant pour eux la certitude foncière, pas forcément claire à la raison, pas forcément détaillée, mais foncière, dans le domaine du sens et de la réalisation de chaque être humain, croyant ou non, et non seulement de chaque être humain cloisonné mais aussi pris avec l’ensemble de ses relations avec les autres êtres, animés ou non, relations inévitables, et de quelque façon, avec l’Univers entier, si vaste soit-il. « Dieu sensible au cœur, non à la raison » disait Pascal. Entendez par cœur la puissance intuitive totale, présente, à tout degré fort ou faible, en chaque individu. Le croyant chrétien affirme que ses évidences comme croyant viennent de ce que cette puissance intuitive, en ce qui le concerne, est conjointe à la puissance même, révélante, imprégnante, illuminatrice, réalisatrice, de Jésus comme Christ. Nous entendons par Christ, Jésus parvenu à la pleine réalisation de son être d’humanité, c’est à dire qu’il est devenu après passage individuel par la mort, pleinement libérateur possible de toute liberté humaine qui y consent, mais de toute réalisation dynamique en action en tout homme et en tout l’Univers, en tous les univers.
Pourquoi l’est-il ? Parce que sa manifestation au croyant manifeste que, s’il est pleinement en solidarité avec lui, il l’est comme étant, lui-même, Jésus, le Suprême, la Pleine Origine Consciente et Enfantante, ou tout simplement la Plénitude. Cela il faut l’entendre sous le nom : Christ, duquel vient le nom de chrétien.

Nous parlons communément de l’Eglise, en mettant sous ce mot un peu n’importe quoi. Je l’ai laissé entendre tout à l’heure.
Eglise vient du terme Ekklesia grec joint à un jeu de mots sur le terme hébreu qahal : convoquer, convocation, appel à une réunion, à un rassemblement et à d’éventuelles célébrations de ce rassemblement. Aucune distinction de langue, de composition, d’origine ethnique ou de composition individuelle de mâlité/femellité. Aucun intervention essentielle d’organisation administrative élaborée. Sont dans cette Ekklesia, tous ceux et celles que j’ai nommé plus haut : croyants. Et je précise que, en rigueur de foi, chacun de ceux-là, en réalisation et en destinée de vie, ne sont pas séparables de Jésus le Christ. Ils sont d’un même organisme vivant que Lui. Si bien qu’à prendre le fait de la Foi chrétienne pour ce qu’il est, il n’appartient à aucune autorité parmi les hommes de ‘condamner’ à l’excommunication. Tout ce qui peut être constaté par des membres de l’Ekklesia portés à des responsabilités communautaires, c’est que tel membre, ayant renoncé explicitement à l’essentiel de la Foi, est déclaré n’être plus membre de l’Ekklesia dans son exercice terrestre.

Venons-en maintenant à des documents historiques vérifiés qui concernent les relations concrètes des vues astrologiques avec le mode de l’Ekklesia appelée Eglise.

DOCUMENTS

Le D.T.C. (Ortolan), Dictionnaire de Théologie Catholique, et Catholicisme (R. Brouillard) renvoient astrologie à divination.

D.T.C : par divination on entend, en général, la prédication des choses futures et cachées (cf. S. TH., Sum.theol. Iia II ae, q. XCV, a.I)

  • 1. Parmi ces choses futures et cachées, il en est qu’on peut facilement connaître dans leurs causes, quand celles-ci produisent toujours nécessairement leurs effets (ainsi les astronomes). En cela, rien que de très naturel.
  • 2. Il est d’autres choses futures dont la connaissance est moins absolue, mais qui ne sont pas néanmoins complètement inaccessibles aux investigations humaines (Un médecin habile… un tacticien… un politique…)
  • 3. Enfin il est des choses futures dont la connaissance échappe totalement à l’esprit humain. Ce sont les futures contingents qui dépendent de la volonté libre des créatures intelligentes. La liberté se détermine par elle-même… Dieu seul connaît (ces futurs contingents) à l’avance, et d’une certitude absolue, car lui seul voit, dans son éternité, les choses futures comme si elles étaient présentes (S.Th. S.T. 1°, q XIV, a.13 q.LVII, a.3 ; q.LXXXVI, a.4. (attribut exclusif de la divinité… des divinités) …dans la prophétie ce n’est pas l’homme qui devine, qui fait un acte divin, mais par un don de Dieu, il reçoit en lui ce qui est divin.

« Au sens strict du mot, la divination est donc l’acte par lequel, sans le secours de Dieu, on prétend connaître et annoncer ce que Dieu seul peut savoir ; soit qu’il s’agisse du futurs contingents libres ; soit qu’il s’agisse de pensées secrètes, qui elles aussi, ne sont connues que de Dieu seul, car lui seul scrute les consciences et les cœurs. »

Bibliographie :
Bouché-Leclerq, Histoire de la divination dans l’antiquité, 4 in-8, P;1879-1882
G. Contennau, La divination chez les Assyriens et les Babyloniens, Payot, 1940.
Dictionnaire de la Bible : art. Divination (Lesêtre).
Grande Encyclopédie : art. Divination XIV, 715-746 anonymes art. Astrologie IV, 372-374.
Art.Astrologie : Encyclopedia Universalis : Histoire de l’Astrologie (R. ALLEAU)

Catholicisme :
(Le mot) désigne une opération accomplie, en dehors de simples procédés naturels, par le secours à des puissances supérieures à l’homme, et dont le but est de découvrir les choses cachées, principalement les événements futurs.

  • divination inductive (use de signes extérieurs et les interprète).
  • divination intuitive (s’appuie sur les inspirations intérieures du devin). Chaldée, Mésopotamie babylonienne, Perse, Grèce, Romme, Egypte. Chine, Inde.

Astrologie : ouvrage de Choisnard-Flambart. Disciples et émules de ce polytechnicien. cd. Ami du clergé, 1937, p.289-298 Les rythmes de la vie par le groupe lyonnais d’études médicales, 1934, p.115 sq.

« Les formes ‘scientifiques’ auxquelles ont abouti, dans les temps modernes, plusieurs des vieilles techniques divinatoires ont évacué toute trace de démonisme… Leur pratique ne contient aucun élément immoral. C’est le cas… de la graphologie…de la radiesthésie…ce peut être le cas d’une certaine chiromancie objective et même l’astrologie dans ses recherches désintéressées, à condition qu’elle ne prétende pas aboutir à nier la liberté humaine ; Choisnard-Flambart, et plus encore les médecins lyonnais qui s’attachent à l’étude des influences astrales ne sont nullement condamnés par la morale catholique. Il est cependant essentiel de souligner que de telles recherches doivent être réservés à des esprits solides ; on ne doit s’y livrer qu’avec modération et prudence. »

L’Ami du Clergé cité est favorable.
L’article de Van der Elst dans le Dictionnaire Apologétique de la Foi Catholique est défavorable. (R. Brouillard)

CONDAMNATION DE LA DIVINATION : ÉCCLESIASTIQUES

Concile d’Ancyre 314 (cf. Mansi Concil.)
Vannes 461, canon 16
Agde 506, canon 42
Orléans 511, canon 30
Auxerre 578, canon 4
Reims 630, canon 14
IVe Tolède 633, canon 28
Rome 721, canon 12
Londres 1125, canon 15

Excommunications : déclarés infâmes, inhabiles à témoigner en justice, privés de toute dignité ecclésiastique, et enfermés en monastère.

– Décret de Gratien, part. 11, caus.XXVI, q.V, c.9 – IVe Tolède : « Si qui episcopus, aut. presbytes, sire diacomus, rel quilibet ex ordine clericorum…aruspices, ant incantatores, ant ariolos, ant augures, rel sortilegos consulnisse guerit depehensus. »

reprend Agden Orléans, Auxerre
y joignent épreuves par eau bouillante ou fers rouges
cf. Lettre Pape Etienne IX (888) à l’Evêque de Mayence
cf. Lettre Pape Honorius III (1225) avec ordonnance
Sixte-Quint contre les devins (1585) reprend condamnations précédentes.

– Décrets modernes contre : tables tournantes et parlantes, 1841-1847-1856-1882 magnétisme, hypnotisme, occultisme, spiritisme.
– Mises en garde contre les sectes
– Combat contre ‘l’influence démoniaque’
– Contre pratique et préjugés superstitieux, voyances, divination par les dés, divinations commerciales.
(Cas de Mlle Lenormant qui fit fortune sous la Révolution et l’Empire : consultée par Robespierre, Napoléon et plusieurs de ses généraux)

TEXTES

R. Alleau : (Ptolémée « a confondu toutes les langues »)

L’astrologie grecque était, ou bien mystique et mythique comme dans le cas des mystères pythagoriciens, ou bien apotélesmatique, c’est-à-dire précise et pratique, autant que peut l’être une science conjecturale aussi complexe, mais elle ne fut jamais ‘psychologique’, pas même dans la civilisation qui avait inventé précisément les mythes qu’exploitent les ‘psycho-astrologues’ modernes.

L’astrologie savante : …art de prévoir les ‘accomplissements lointains’ par des techniques divinatoires qui font intervenir des relations entre les mouvements des astres et la détermination des événements, en les reportant à un système symbolique de référence qui n’est ni religieux ni mystique.

Astrologues de la renaissance : Johannes Angelus, Henri Rantzan, Auger Ferrier, Richard Roussat, Jean Eshinel, Joseph Grüpeck, surtout le Speculum Astrologiae de Junckin.

Influence de Ptolémée jusqu’à Somme Scientifique publiée en 1661 par J.B. Morin : Astrologia Gallica, le plus important traité depuis le Tetrabiblos de Ptolémée (vers 130 de notre ère), précédé par les Apotelesmatica (apotélesmatique : prévision des événements lointains) de Manéthon, et, d’autre part, les œuvres des astrologues arabes.

A propos du Zodiaque, Diodore de Sicile (-63 à +14) qui transmet des traditions très antiques, mais certainement incomplètes et corrompues :
«  Ayant observé les astres depuis les temps les plus reculés, les Chaldéens en connaissent exactement le cours et l’influence et prédisent l’avenir à chacun. Selon eux la doctrine qui est la plus importante concerne le mouvement des cinq astres que nous appelons ‘planètes’ et que les Chaldéens nomment ‘interprètes’. Parmi les astres errants, ils considèrent comme le plus influent celui auquel les Grecs ont donné le nom de Kronos et qui est connu des Chaldéens sous le nom de Bélus. Les autres planètes portent, comme chez nos astrologues, les noms de Mars, Vénus, Mercure et Jupiter. Les Chaldéens les appellent les ‘interprètes’ parce que les autres astres qui sont fixes et assujettis à une marche régulière annoncent des événements futurs et expliquent aux hommes les bienveillants desseins des dieux. »

Philon d’Alexandrie (-20 à +45) :
« Ce sont les Chaldéens qui ont élaboré l’astronomie et l’astrologie généthliaque (la science des ‘nativités’), plus parfaitement que les autres peuples ; ils ont rattaché ainsi les événements de la terre à ceux des airs, et les phénomènes célestes à ce qui se passe ici-bas. Ils ont fait sentir, comme en une musique de la pensée, la symphonie absolument parfaite de l’ensemble, grâce à la cohésion et à la sympathie des parties, qui, malgré la distance intervenant entre elles, demeurent inséparables par leur commune origine. » (De Migratione Abrahami, 32)

La Philosophia Sacra et vere Christania seu meteorologia sacra de Robert Fludd, Francfort 1626 (B.M. Snark) dépeint les relations cosmologiques entre le monde et l’homme « perfectio et finir monium creaturum in mundo » au moyen d’une vaste, minutieuse et aussi fort belle gravure.

Astrologie foi chrétienne



EXTRAITS DU NOUVEAU ‘CATECHISME DE L’EGLISE CATHOLIQUE’
Edition Mame/Plon p. 436, 437, 438

La superstition

2111 La superstition est la déviation du sentiment religieux et des pratiques qu’il impose. Elle peut affecter aussi le culte que nous rendons au vrai Dieu, par exemple, lorsqu’on attribue une importance en quelque sorte magique à certaines pratiques, par ailleurs légitimes ou nécessaires. Attacher à la seule matérialité des prières ou des signes sacramentels leur efficacité, en dehors de dispositions intérieures qu’ils exigent, c’est tomber dans la superstition (cf. Mt 23, 16-22).

L’idolâtrie

2113 L’idolâtrie ne concerne pas seulement les faux cultes du paganisme. Elle reste une tentation constante de la foi. Elle consiste à diviniser ce qui n’est pas Dieu. Il y a idolâtrie dès lors que l’homme honore et révère une créature à la place de Dieu, qu’il s’agisse des dieux ou des démons (par exemple le satanisme), de pouvoir, de plaisir, de la race, des ancêtres, de l’Etat, de l’argent, etc. « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », dit Jésus (Mt 6, 24). De nombreux martyrs sont morts pour ne pas adorer « la Bête » (cf. Ap 13-14), en refusant même d’en simuler le culte. L’idolâtrie récuse l’unique Seigneurie de Dieu; elle est donc incompatible avec la communion divine (cf. Ga 5, 20 ; Ep 5, 5).

2114 La vie humaine s’unifie dans l’adoration de l’Unique. Le commandement d’adorer le seul Seigneur simplifie l’homme et le sauve d’une dispersion infinie. L’idolâtrie est une perversion du sens religieux inné de l’homme. L’idolâtre est celui qui « rapporte à n’importe quoi plutôt qu’à Dieu son indestructible notion de Dieu » (Origène, Cels. 2, 40).

Divination et magie

2115 Dieu peut révéler l’avenir à ses prophètes ou à d’autres saints. Cependant l’attitude chrétienne juste consiste à s’en remettre avec confiance entre les mains de la Providence pour ce qui concerne le futur et à abandonner toute curiosité malsaine à ce propos. L’imprévoyance peut constituer un manque de responsabilité.

2116 Toutes les formes de divination sont à rejeter : recours à Satan ou aux démons, évocation des morts ou autres pratiques supposées à tort « dévoiler  » l’avenir (cf. Dt 18, 10 ; Jr 29, 8). La consultation des horoscopes, l’astrologie, la chiromancie, l’interprétation des présages et des sorts, les phénomènes de voyance, le recours aux médiums recèlent une volonté de puissance sur le temps, sur l’histoire et finalement sur les hommes en même temps qu’un désir de se concilier les puissances cachées. Elles sont en contradiction avec l’honneur et le respect, mêlé de crainte aimante, que nous devons à Dieu seul.

2117 Toutes les pratiques de magie ou de sorcellerie par lesquelles on prétend domestiquer les puissances occultes pour les mettre à son service et obtenir un pouvoir surnaturel sur le prochain, – fût-ce pour lui procurer la santé -, sont gravement contraires à la vertu de religion. Ces pratiques sont plus condamnables encore quant elles s’accompagnent d’une intention de nuire à autrui ou qu’elles recourent ou non à l’intervention des démons. Le port des amulettes est lui aussi répréhensible. Le spiritisme implique souvent des pratiques divinatoires ou magiques. Aussi l’Église avertit-elle les fidèles de s’en garder. Le recours aux médecines dites traditionnelles ne légitime ni l’invocation des puissances mauvaises, ni l’exploitation de la crédulité d’autrui.

Une lettre historique sur le dernier catéchisme, par un éminent historien de la chrétienté, prêtre catholique et orientaliste.

Maurice Maupilier à Jean-Pierre Nicola,

Cher ami,

Intéressés ou non par la Foi chrétienne, les astrologues ne peuvent se désintéresser de son opinion sur l’astrologie. Je vous envoie donc photocopie de ce qui a été publié dans le tout récent Catéchisme. Avec un large contexte, qui situe mieux le passage qui vous intéresse directement, le paragraphe 2116.

Vous observerez que toute la présentation tourne autour de la condamnation de la divination et de la recherche de l’avenir par le recours à des puissances considérées comme des divinités qu’on pourrait se concilier par divers moyens toujours regardés comme bourrés de superstition et d’idolâtrie, aux sens que vous trouvez dans les pages de contexte. Le texte ne me paraît pas informé correctement de certaines vues modernes sur l’astrologie, et semble la confondre avec des formes de charlatanisme ; on a voulu rassembler en un fourre-tout facile un peu n’importe quoi sur quoi on ne s’est pas préoccupé d’information juste et complète.

Les paragraphes 2111 et 2113 me semblent plus sensés. Le paragraphe 2114 atteint davantage au fond d’origine et immuable de la Foi chrétienne. Le 2117 ne me paraît pas non plus hors sens. D’autant plus que la préoccupation est d’atteindre les catholiques de toute langue, race, civilisation, hérédité. Je dirais donc que toute la documentation précédente que vous avez en main reste valable, en particulier l’appréciation portée dans le dictionnaire Catholicisme. Si le texte peut avoir une utilité c’est d’affiner votre esprit critique et de marquer vos différences avec les lamentables excès qu’on confond avec vous. Profitez-en, le cas échéant, pour préciser vos différences entre vos écoles. Enfin, les non-catholiques et non-chrétiens n’ont pas à se sentir concernés par ce texte.

Sur le paragraphe 2112, je dirai qu’il n’y a pas à accorder autorité sans nuance à la formule : « …s’en remettre avec confiance entre les mains de la Providence pour ce qui concerne le futur et à abandonner toute curiosité malsaine à ce propos. »
En Foi chrétienne, l’homme est libre et autonome et ne cesse de recevoir de l’Origine Créante cet Univers comme sien, où il peut prospecter, découvrir, chercher à mieux connaître tout, y compris ce qui concerne son futur terrestre, sans céder à ce qu’on appelle superstition, idolâtrie, volonté de nuire ou d’asservir, et sans céder au fatalisme. Et la prospection psychologique sous ces dernières conditions est toujours entre ses mains.

Il faut quand même dire plus à propos de cet épais volume de 676 pages grand format. Il lui arrive d’être saupoudré de pages d’esprit ouvert et l’ouverture ne se confond ni avec je ne sais quel mouvement progressiste ou libéral ou je ne sais quoi d’autre ; mais il reste que ce volume a été voulu comme une tentative de blocage contre les ouverture du dernier Concile et comme une arme pour un nouveau combat de conversion contre tous ceux qui n’auraient pas sur la Foi chrétienne les mêmes opinions que le Pape et son haut fonctionnaire intellectuel de confiance, le cardinal Ratzinger, les autres ouvriers de l’oeuvre étant d’autorité secondaire. Les pressions pour une rédaction conforme à ces vues ont été multiples et constantes sur les sujets chauds. Il ne faut pas se laisser prendre à un jeu traditionaliste déjà commencé. Ce Catéchisme n’est pas plus une œuvre de l’ « infaillibilité papale » que les autres catéchismes précédents, y compris celui de l’ancien Concile de Trente. Une pub. le présente comme le « message chrétien dans son intégralité et sa totalité. » Cela est dit pour s’en faire une arme future, mais ce catéchisme, compilation de documents divers, n’intègre pas des vues tout aussi chrétiennes que celles qui sont ici inscrites et il y a longtemps que la totalité du message chrétien a été délivrée en moins de mots et en beaucoup de langues, et cela dès les premiers siècles (dont l’ampleur des vues n’est d’ailleurs ici que fort peu présente). La pub. Ajoute : « Le Texte qui fait Foi ». ? Non, c’est un texte qui traite de la foi conformément à l’essentiel révélé de la Foi chrétienne mais qui a été restreint dans son envergure possible par les vues en plus d’un lieu dominatrices d’autorités chrétiennes dont les personnes sont parfaitement honorables mais dont les préférences sur les catéchismes et l’évangélisation-combat n’ont pas à s’imposer à tous. Si bien que sur tous les grands points en discussion dans les sociétés humaines aujourd’hui ce volume n’a pas à passer comme l’enseignement, ‘infaillible’ et désormais imposé à tous, de l’Eglise. Souvenons-nous de Galilée et de bien d’autres, de bien d’autres. Il n’y a pas non plus à s’accrocher au style : on reconnaîtra souvent la langue…de bois du vieil ecclésiasticisme.

Si on objecte quelque jour cette œuvre, ne vous laissez pas trop impressionner. Demandez d’autres preuves.

Nous avions fait allusion à Hypatie. Il n’est pas mauvais que je vous livre ce supplément d’information.  Dans les années 400 elle enseignait tout ce qu’on appelle maintenant philosophie, sciences mathématiques, théologie non-chrétienne (elle était païenne), astronomie et astrologie, à la célèbre Université d’Alexandrie d’Égypte. On est sûr qu’elle était fille de Théon et qu’elle enseignait les œuvres de Théon et celles de Ptolémée. Brillamment. Les auteurs du temps sont unanimes à célébrer la noblesse de son enseignement et l’extraordinaire influence qu’elle exerçait sur ses élèves, parmi lesquels des chrétiens qui la vénéraient, telle grand Synésius qui sera évêque de Cyrène.

Mais c’était aussi le temps ou montait en puissance un christianisme intolérant contre un paganisme lui aussi intolérant. On se battait jusqu’au sang. Jusqu’aux tortures et à la mort. On a tente de cacher la vérité. Pourquoi ? Cette professeur de mathématiques et d’astrologie élaborée et de haute philosophie importunait certains membres du clergé chrétien, parmi lesquels le prêtre Théophile qui déjà avait trempé dans l’incendie de l’immense bibliothèque du Serapeum (d’ou une irréparable perte pour l’humanité), le prêtre Pierre, qui, en 415, faisait partie de la maison du patriarche chrétien Cyrille, et le patriarche Cyrille lui-même. Ce dernier s’est montre plus d’une fois, non seulement buté et d’un esprit étroit mais au nom de sa foi, fanatique.
Il avait payé de sa personne pour expulser les Juifs et brûler leurs synagogues. Paya-t-il de sa personne lors du massacre d’Hypatie ? Directement, ce n’est pas prouvé. Indirectement c’est sûr. Car ce jour de 415 où la populace chrétienne, poussant jusqu’au bout la logique qu’on lui avait ardemment enseignée, se précipita chez Hypatie et la massacra, à la tête des massacreurs comme meneur, se trouvait le clerc de Cyrille, Pierre. Cyrille depuis, a été, — dirons-nous amnistié ? — En tout cas, il a été déclaré saint. Réhabilitation d’Hypatie ?
Je reviendrai pour conclure au Catéchisme ; on y a inséré une illustration intéressante dont je vous envoie aussi la photocopie. J’en ai déjà entendu un commentaire très militant d’une évangélisation dite nouvelle, mais c’est à tort. La gravure reproduit le sarcophage d’un Romain d’une illustre famille, Junius Bassus. L’œuvre date de 359, on l’a trouvée sous la Basilique St Pierre, au point central des fouilles. Elle représente certes le Christ mais non pas écrasant l’erreur sous ses pieds, militantisme qui lui est ici bien étranger. La réalité peut intéresser les astrologues. Lisons l’œuvre en commençant par le registre inférieur.

cosmos et le christ

En ce registre est représenté, sous la forme d’un géant plein de puissance et soulevant a deux mains, comme signe de divinité, une écharpe d’étoffe gonflée en voûte, Ouranos-Kronos, dieu des cieux et du kosmos. Au registre supérieur est assis un tout jeune homme qui représente Christ en Gloire ; comme le Réel enfin réussi de l’homme uni à la Divinité. Ses pieds reposent sur la voûte de voile et le front puissant d’Ouranos, non pas en puissance écrasante, vengeresse, dominatrice, mais en continuité. Le registre inférieur est calculé pour signifier cela par la pose des bras d’Ouranos dont la pointe finale de sommet triangulaire se trouve au centre du front de Christ ; les pieds sont posés en calme, le pied gauche étant en continuité avec le front d’Ouranos, le pied droit étant appuyé, lui aussi en continuité, sur la voûte dont nous avons parlé. Dans l’antiquité vivante cet ensemble calculé représentait une manifestation de continuité. Sens très cohérent, et compris et senti. Les deux piliers sont ornés d’angelots et de représentations des fruits naturels de la terre. Nous sommes à Rome : les personnages qui entourent Christ sont les deux apôtres morts à Rome, martyrs, Pierre, à droite, Paul, à gauche.
Le sculpteur était un bon sculpteur. Lui-même ou ceux au moins qui l’inspiraient savaient fort bien ce qu’ils voulaient signifier, quelle conviction ils voulaient exprimer. Il n’y a pas là archéologie morte ou seulement ornementale : il est d’ailleurs possible que les autres surfaces sculptées du sarcophage, non représentées ici, aient prolongé la symbolique enseignante. Mais ne suffit-il pas que le panneau du sarcophage de ce Junius Bassus dont la famille, très cultivée, a compté parmi les premiers chrétiens, soit représenté tel quel ? Que ceux qui aient choisi de le faire reproduire ne lui aient pas donné de signification particulière, cela, finalement, importe peu par rapport au fait.

À vous, cher ami, de voir ce que vous pouvez faire de cette longue lettre.

Amicalement.

Maurice Maupilier, le 1er décembre 1992.