L’astrologie peut-elle prédire l’avenir ? Cette question mériterait une longue introduction sur le paradoxe car une astrologie qui ne prédit pas est-ce de l’astrologie … et prédit-on autre chose que l’avenir ? Les fondements mêmes de l’astrologie, la périodicité des mouvements célestes, invite à la prédiction. Elle l’implique… et l’on voit déjà se profiler une définition de l’astrologie qui excluant de son statut tous les phénomènes célestes et terrestres non-périodiques, non-répétitifs, donc non prévisibles, se justifierait uniquement par sa référence aux cycles planétaires et à leurs rythmes zodiacaux géosolaires.
La différence d’avec les jeux divinatoires est aussitôt tracée : il n’y a pas de cycles connus dans les cartes ou les nombres. D’une sortie de figures ou de chiffres, si éloquente soit-elle pour l’interprète, aucun devin ne peut prédire la suivante. Dans l’éventail des mancies, comme raison possible d’une préférence personnelle, je remarque que le Yi-King a une rythmologie de base binaire aussi structurée qu’un système solaire bien qu’apparemment sans rapport avec lui. Sa cohérence paraît enviable. Tout en accumulant leurs démonstrations combien de géomanciens, numérologues, initiés des Tarots, s’appliquent à trouver dans les assises de leur art le secret de sa pénétration du futur ? Par contraste, alors que ceux-là s’en régaleraient, beaucoup d’astrologues dédaignent les normes de rigueur que le ciel leur offre.
De nos jours, les astronomes (astrologues de jadis) qui en usent, réussissent leurs « prédictions » à de rares exceptions près. En cas d’erreur, ils reprennent les données pour de nouvelles règles ou améliorer les anciennes. En astrologie, les erreurs n’ont pas de vertu constructive ; comparativement aux prédictions astrométriques réussies, les ratées des prévisions astrologiques sont peu significatives de l’aptitude des astrologues à prédire l’avenir… plus exactement à tout prédire. Les astromètres, parce qu’ils se sentent concernés sur leur terrain prévisionnel comme des concurrents heureux, nourrissent principalement leurs railleries des prétentions et des échecs de leurs rivaux, frères d’autrefois. Il est intéressant d’observer que les astrologues prévisionnistes ne sont guère plus aimables envers les non-prévisionnistes ou les mauvais prophètes de leur camp, faux-frères d’aujourd’hui.
Puisque des bases de données identiques engendrent des résultats divergents, il doit exister des traitements techniques ou des plans d’application différents, suffisamment distincts, voire opposés, pour expliquer d’aussi grands écarts et en définir les ou la cause. La plus évidente est que l’astromètre prédit les dates de répétition de phénomènes sans sortir de son plan d’observation, sans extrapolation, tandis que l’astrologue applique les mêmes échéances à d’autres plans que celui observé, selon son sens des correspondances ou sa conception de l’astrologie. La preuve expérimentale de résultats prévisionnels opposables en dépit d’une base commune est ainsi faite qu’il existe des référentiels indépendants et que le passage de l’un à l’autre est difficile.
Ces référentiels n’altèrent pas leur réel commun (les cycles restent des cycles), ils en font varier l’efficacité. Dire la vérité à un menteur est inutile mais cela ne change rien à une vérité, utile ailleurs. Il faut chanter juste dans son arbre généalogique a dit je ne sais quel auteur (Cocteau ?). On chante beaucoup plus juste dans son horoscope si l’on chante dans son plan de résonance qui n’est pas écrit dans le ciel mais dans le bagage terrestre. Résonance sélective : certains astrologues de Mésopotamie, d’Egypte, de Grèce sont devenus astronomes du jour où ils ont compris qu’ils prenaient moins de risques à prédire des dates sans sortir de leur référentiel. Ils prédisent des dates pour des prunes, en somme.
A partir de là, la matière à développer étant abondante, j’en aborde quelques aspects par paragraphes numérotés afin de ne pas égarer l’essentiel dans les enchaînements.
1 – Si la définition de l’astrologie implique la nécessité de prévoir, pour prévoir juste il faut changer ou améliorer les techniques et concepts qui ont produit des erreurs. Prédictive par définition, l’astrologie doit donc disposer de techniques et de concepts aptes à mesurer l’étendue, la fréquence, l’importance des erreurs à corriger. A l’inverse, l’impératif d’avoir des modèles théoriques à mettre en pratique n’est pas très bien perçu d’un corpus professionnel qui se réclame de l’empirisme, c’est-à-dire du meilleur moyen de ne pas progresser, puisqu’on ne peut pas perfectionner un outil inexistant ou que l’on refuse d’utiliser. Une fausse ou mauvaise théorie évolue sous la contrainte de ses échecs. Sans théorie, l’empirisme reste ce qu’il est depuis l’origine des temps : du bricolage.
2 – Contrairement à une rumeur suffisamment répandue pour en avoir des échos, les modèles et concepts conditionalistes ne viennent pas de motivations mathématico-intellectuelles mais des leçons retirées des consultations ; de l’ambition d’en préciser le cadre, les moyens, le langage, la portée. Et le souci d’éviter la honte de recettes qui, à l’épreuve d’une pratique régulière tournent court, a contribué à cette même recherche non-statisticienne. Entre parenthèses : il est rare qu’un praticien consciencieux soit fervent de statistiques. En consultation, elles ne servent strictement à rien… quand elles n’égarent pas l’interprétation dans des clichés aussi vains que les typologies.
3 – Parmi les concepts formulés pour une pratique où l’astrologue consulté peut expliquer ce qu’il dit et pourquoi il le dit, nous disposons des référentiels Sujet – Objet – Relation – Intégration. Issus de l’analyse des significations traditionnelles des Maisons, ils permettent de comprendre les débats entre prévisionnistes et anti, esquisser les limites des positions respectives, également recommandables …sauf que selon le référentiel, rarement indiqué par celui qui s’y trouve, les problèmes changent d’aspects et de solutions. Quelques aperçus sur le rôle majeur des référentiels suffiront à éclairer le lecteur sur l’opportunité de les connaître et de choisir le mieux adapté à l’efficacité recherchée.
4 – SUJET : Nous vivons une époque d’hyper-individualisme. Comme toute inflation, celle du référentiel Sujet est devenue pathologique. Le psychanalyste Tony Anatrella, chercheur en psychiatrie sociale, avec d’autres concepts que les nôtres, porte un diagnostic critique, non pas sur l’inflation, mais sur une crise d’intériorité qui ne débouche sur aucune réflexion, aucune réalité constructive, tant par excès d’individualisme que du fait d’une société-spectacle sollicitant abusivement le narcissisme (article dans Le Monde du 2-3 avril 1995). L’astrologie n’échappe pas à son époque, à ses bienfaits et ses perversions. Dans les années 40 et 50, la vague de pointe a suivi les développements et vulgarisations des diverses écoles de psychologies et psychanalysmes. Après de féconds échanges entre les symboles de l’âme et ceux du ciel, le conservatisme a bloqué la révolution : les fondements astrométriques ont été éclipsés ou sous-estimés au profit de la surdétermination du symbole psychique. L’horoscope est devenu l’image du Sujet et non plus du monde. Pour beaucoup d’astrologues, sous cet angle, le prévisionnisme événementiel n’a pas de raison d’être. Or, décrire le caractère d’un enfant qui vient de naître, avec ses complexes, ses goûts et dégoûts, ses forces et faiblesses, ses bons et mauvais moments, relève toujours de la prévision. Malgré elle, l’astro-psychologie est prédictive, en termes de tendances, dans son référentiel. On peut donc se demander, quelles conceptions psychologiques permettent les prévisions les plus sûres sur le développement humain et sa description, et si le référentiel psy est bien le seul concevable. Pas question d’en consulter un autre lorsqu’on pose d’autorité l’équation fataliste Tel homme, tel destin…issue, selon Wilhelm Knappich, « de l’empreinte des Perses et des doctrines iraniennes sur les penseurs babyloniens » . A l’opposé d’un déterminisme céleste absolu et persistant, Ptolémée décrivait le caractère « en tenant compte du milieu parental » (W.Knappich). L’introduction de sa Tétrabible énonce les conditionnements extra-horoscopiques qui débordent du référentiel Sujet et rendent illusoire la prévision infaillible d’un caractère. Le simple bon sens nous en prévient, et nous constatons qu’un référentiel qui se veut unique érige sa spécificité en absolu. Ses erreurs, générées par les autres référentiels niés ou contournés, prouvent, au contraire, sa relativité. Le Sujet n’est pas seulement au centre de l’horoscope – en admettant qu’il le soit -, il est aussi, subjectivement, au centre d’une configuration familiale, d’une ville, d’une région, d’un Etat, qui ne sont pas au centre de son horoscope mais du leur, et il serait dommageable, comme dirait Ptolémée, de ne pas en tenir compte. Chaque référentiel a ses raisons et ses critiques. A la prédiction d’un Moi-Sujet fondée sur l’examen de l’univers pour soi, les anti-Sujet ou pro-Objet reprochent le non-mesurable de la psychologie. Le pire de cette dimension est la revendication d’une sensibilité qui, en dépit de ses à-peu près, errances, vaticinations délirantes, s’érige en divine pythonisse de l’interprétation… et fait recette !
5 – OBJET. La science occidentale, par ses concepts, ses hommes, ses méthodes (pas toujours recommandables), s’est donnée les moyens d’acquérir une hégémonie inquiétante sur les autres référentiels, et ceux-ci réagissent par toutes les formes possibles d’anti-science et d’anti-rationalité. D’où, de la part de sommités scientifiques qui se veulent rassurantes, leurs palinodies pour récupérer les croyances, spiritualismes, philosophies antiques et modernes en marge des mesures anti-Sujet.
Avec plus moins de langueur, lorsqu’ils triomphent, les référentiels se fânent. Tout pouvoir excessif meurt par son excès même (Louis XI). La science contemporaine est aussi malade d’idiopathie que la subjectivité. Les instruments et règles de mesure qui ont établi sa puissance en ont également mesuré les limites : on ne peut pas tout chiffrer avec précision, les mesures les plus fines sont approximatives, le réel est fuyant, il suffit d’un rien, d’un effet papillon, d’une pichenette pour passer de l’ordre au désordre, et inversement. Au sommet de sa domination, l’objectivité mesure objectivement son impasse. Tous les référentiels ne sont pas capables d’un héroïque autodafé. Avant de se résoudre aux atermoiements, la science prônait l’absolu par la démesure de ses mesures. Comme précédemment, l’astrologie servile a suivi la mode. Au début de ce siècle, les astrologues représentatifs de sa renaissance se prévalaient de raisons scientifiques. Leurs démonstrations étaient reçues ou rejetées comme telles. Henri Selva, parmi les redécouvreurs de cette époque, pensait l’astrologie en science naturelle. Son explicative des Eléments Feu, Terre, Air, Eau, utilise une terminologie qui rejoint plus sûrement celle des conditionalistes que des symbolistes. Paul Choisnard s’appuyait sur les méthodes statistiques (erronées d’après les Gauquelin) et sur l’astrométrie pour défendre l’astrologie. Il y a Caslant, G.L. Brahy, H. Gouchon… fervents illustres de l’astrologie Objet où la preuve s’élabore dans la logique, le calcul, la statistique et la prédiction précise. Les vétérans de l’astrologie-Objet ne sont plus de mode. Le genre demeure : on prédit, en référentiel Objet, des événements datés qui ont, quelquefois, la politesse de se réaliser pour la joie de tous (en témoignage d’une certaine surprise). Inutile de faire le compte des fiascos prévisionnels des spécialistes lorsqu’ils visent un événement précis à une date implacable. L’étonnant est qu’il y ait des réussites… Elles laissent supposer que l’avenir des prédictions « scientifiquement » contrôlables et mesurables n’est pas entièrement bouché. Pour l’heure, ce référentiel non-maîtrisé ne paraît pas propice à l’épanouissement d’une science astrologique … et pas besoin d’être polémiste pour dire qu’après les statistiques Gauquelin il ne reste RIEN de l’astrologie prévisionnelle.
6 – RELATION. Ce référentiel a été adopté par l’école conditionaliste pour la simple raison qu’il découle du principe de l’astrologie. Qu’est-ce, sinon une relation, que la correspondance ou influence entre les hommes et les astres ? Elle participe à l’Intégration ou devient absolue dans les analogismes débridés entre minéral, végétal, animal, humain.
Le conditionnement est une relation qui ne relève pas de l’analogisme mais du référentiel temporel : l’instant, la durée, les deux ou l’un sans l’autre… selon le type de conditionnement. Dans le conditionnement naturel, l’instant associe des événements d’ordre, d’intensité, de nature différentes. La répétition, non provoquée (qui commande les cycles planétaires ?) renforce ou non cette relation. Dans le conditionnement artificiel la relation temporelle est imposée par une méthode de dressage qui peut aller contre le conditionnement naturel.
Pour l’astrologie conditionaliste le thème n’est pas la représentation d’un canevas de dressage mais celle d’un conditionnement naturel donnée par l’image des cycles externes avec lesquels les cycles internes entrent en relation à la naissance pour faciliter ou contrarier, selon les principes du conditionnement, des relations de même structure sur d’autres plans. Autrement dit : l’organisation du ciel est un modèle dont chacun, chacune, transpose ce qu’il peut, du pire au meilleur. Et je pourrais citer plus d’un exemple d’auto-conditionnements qui s’établissent par des choix personnels, des relations que l’on crée soi-même avec le milieu d’évolution selon son tempérament et le thème natal. L’enfant qui choisirait lui-même, biologiquement, le moment de sa signature planétaire fait partie de ces exemples.
Si la relation astres-hommes est de symbolique verticale, la conception conditionaliste la généralise en l’associant à la symbolique horizontale des relations individuelles avec les groupes humains et sociaux, c’est-à-dire avec le bagage terrestre constitué par la famille, la société, leurs contenus, de l’hérédité aux interdits et permissivités du consensus. Cette vision de l’astrologie qui n’est pas précisément appréciée n’est pas nouvelle. Sans en développer les conséquences, Wilhelm Knappich, mentionne une logique identique chez les Mayas et les Aztèques :
Un jour faste du calendrier n’est pas nécessairement heureux. Ce n’est le cas que si l’on mérite ce bonheur par une conduite vertueuse et par des sacrifices.
De même, un jour néfaste ne porte pas nécessairement malheur car il n’est maléfique que pour celui qui refuse de faire des sacrifices.
Le ciel n’est plus qu’un livre de comptes agrémenté d’un échéancier : les citoyens vertueux reçoivent leurs récompenses et les mécréants leurs punitions suivant les jours d’ouverture céleste pour les bons ou les méchants. L’astrologie mexicaine classait ses présages selon, au regard du symboliste qu’était W.Knappich, « une hiérarchie particulière » (!) : En premier lieu venaient les présages pour les « gens de qualité », puis ceux destinés aux gens du peuple, enfin ceux réservés aux femmes et aux naissances féminines.
Dans l’enseignement conditionaliste, sans connaître l’astrologie Maya, Aztèque, Mexicaine, j’ai étendu et développé les conséquences théoriques d’un prévisionnisme subordonné aux moeurs d’une époque et de ses cultures. Et s’il y a un temps pour semer, un temps pour récolter... encore faut-il faut avoir du grain à semer et habiter une région agricole. Dans le référentiel Relation plus complexe que celui de l’Objet, on prédit à condition de connaître non seulement la configuration mais les moyens du répondant dans son contexte. Ceux qui le font en pratique, le font de façon intuitive en croyant s’inspirer d’un référentiel différent. En chantant dans son registre on maîtrise ses vocalises. Les prévisions fondées sur les inter-relations ne relèvent pas de l’astrologie spectaculaire, mais, conformes à l’intérêt du consultant, elles éclairent ses problèmes et l’engagent à comprendre de lui-même l’avenir qui l’attend s’il ne peut l’éviter. Le rôle du libre arbitre se précise. Ce n’est plus une fonction héroïque surmontant les bas instincts complices des déterminismes planétaires, mais une aptitude aux stratégies raisonnables : lorsqu’on a le choix, on choisit dans son bagage terrestre les meilleurs moyens de traiter le problème posé par son bagage céleste. Les conseils d’un astrologue quant à ces choix peuvent être salutaires ou inopérants. D’aucuns s’en passent. Il en résulte, comme l’indiquent les écoles traditionnelles non-fatalistes, que les configurations réunies dans l’instantané d’un seul horoscope engendrent des effets variés et d’aucuns contradictoires. Du fait de la diversité des réponses, on peut également en déduire que les déterminismes célestes soumettent prioritairement à leurs lois les fonctions inconnues, ingouvernables, ou celles dont la puissance et le niveau échappent à la formulation consciente et aux calculs stratégiques. Enfin, avec l’âge, les moyens de gérer le même ciel changent, les forces affaiblies donnent d’autres atouts à la fatalité. Tout ceci revient à parler de la relation astres-hommes en termes d’adaptation et à rattacher l’astrologie aux sciences naturelles, ce qui n’est pas une grosse hérésie et débouche sur des enrichissements complémentaires.
En référentiel Relation, les méthodes de recherche et de contrôle ne sont pas les mêmes qu’en Objet. Elles perdent en mesures précises pour gagner en finesse du fait de la complexité des interactions à modéliser. Les statistiques, contraintes à s’adapter à ce qu’elles traitent, deviennent comparatives : le phénomène A agit sur B si B est lié à C. La réciproque, d’une action sur C ou d’une action de A sur C si C est isolé, n’est pas forcément vraie. Plusieurs logiques de ce type sont possibles. On les trouve en astrologie dans le jeu des maîtrises aux effets variables pour les mêmes planètes selon les relations déduites de leurs dignités et débilités dans les Signes qu’elles occupent. Aux fins de démonstration de l’astrologie dans le référentiel où, à mon avis, ses déterminismes sont dans le ton, j’ai eu proposé à M. Gauquelin, en l’aidant au besoin, de reprendre ses échantillons sur les professions en codant le milieu social des intéressés (salaires, fortune, professions des géniteurs, convictions connues, etc). On connaîtrait ainsi la valeur statistique des comparaisons entre les Jupiter dominants des champions dans un sport d’équipe et ceux qui, sans quitter Jupiter, sont ministres, acteurs ou journalistes. M.Gauquelin n’a pas donné suite à ma suggestion. Dommage. La part du ciel dans les affaires humaines serait plus claire et les sociologues disposeraient d’informations peut-être surprenantes. Quant aux scientifiques… si l’on tient à les séduire (rien n’y oblige), il faut commencer par vaincre leur légitime répugnance du fatalisme en accumulant les preuves du caractère relatif de l’astrologie.
7 – INTEGRATION. Lorsqu’on commence par le référentiel Sujet, l’Intégration paraît immédiate, l’être participant au Tout, le Tout-en-Soi (et surtout pour soi) paraît à la portée du vécu immédiat. Fort de cette intuition, comment croire que l’Objet existe et avoir foi en ses mesureurs ? Les obstacles ne sont là que pour le progrès personnel et, comme C.-G. Jung l’énonce à propos de l’interprétation des rêves, l’autre, tous les autres, ne sont que des aspects allégoriques de soi-même, tant il est grand. En application de ce principe beaucoup de praticiens consultent la Lune et le Soleil dans le thème de l’enfant pour juger de l’avenir de ses parents. Les conditionalistes recommandent plutôt d’avoir le plus grand nombre possible de thèmes d’intimes, outre ceux des principaux intéressés. Les théories changent la pratique, la pratique les théories… et pour que leurs appels réciproques soient instructifs, il faut une bonne théorie sur leurs relations.
Lorsque, après l’Objet et la Relation, on arrive à l’Intégration, le Sujet conserve son originalité indivisible, mais il n’a pas de différence suffisante pour faire basculer un ensemble formé d’originalités aussi indivisibles que la sienne. Il y a un détail que les fondamentalistes du référentiel Sujet sous-estiment ou ignorent : en Intégration, Tout le monde est Sujet mais le Sujet n’est plus tout le monde. Paradoxe digne de l’Hermétisme, et thème de méditation dont se dégage l’idée que la névrose individualiste de notre époque est en relation avec son hystérie « spiritualiste »… car la spiritualité, conscience, âme ou état d’Intégration ne cherche pas l’impossible connivence du Moi-Je et du Nous-pour-Je. Les crises que traversent les mystiques montrent que l’on ne se défait pas du Moi-Sujet en se trémoussant dans la Transcendance ou en lisant les aventures illustrées des saints initiés. Il faut en découdre et se découdre. Toutefois, il y a les voies de sagesse moins douloureuses: par les abonnements avec réduction aux pornographes de la spiritualité, les cours de tantrisme et de cuisine rata-yoga.
Le référentiel Sujet est complexe, celui de l’Intégration doit l’être davantage pour inclure toutes les complexités en suivant plusieurs clefs unificatrices ou une pierre philosophale qui se dérobe sans cesse. Les astrologues en souci de prévoir l’avenir en lisant dans la pensée même du Créateur ont multiplié à l’infini les facteurs prévisionnels tant astrométriques qu’imaginaires : parts, mi-parts, mi-points, maîtrises des maîtrises, étoiles, degrés monomères, etc. Mais pour atteindre l’Intégration, la prolixité doit aller de concert avec les réductions synthétiques et l’astrologie ne compte que deux ou trois auteurs préoccupés d’interpréter la dynamique d’ensemble du thème au lieu de la statique de ses éléments juxtaposés. C’est évidemment dans ce référentiel religieux, cosmique, universel…pas plus Sujet qu’Objet des sciences mesureuses, que l’on prédit en fortissimo et qu’œuvrent les prophètes visionnaires. En accord avec leur plan de perception, ils se passent d’astrologie ou la complètent de supports plus qu’auxiliaires. Le « don de Dieu » (de Jupiter à l’Esprit Saint), aussi précieux que rare, est leur meilleur garant d’efficacité… toute contre-performance relevant des esprits malins ou de l’erreur humaine. On ne s’étonnera pas de trouver ici les chefs de guerre de l’astrologie prévisionnelle en lice pour les pronostics catastrophiques, déluges, famines, pestes, révolutions et autres assortiments de fin du monde. Dieu merci, pour accéder partiellement à l’Intégration, il faut être anti-Sujet ou dé-subjectivé, ce qui n’est généralement pas le cas des prophètes aux prévisions médiatiques. Dans ce référentiel où les relations complexifiées, enchevêtrées, ont peut-être une Ame insaisissable, n’entre pas qui veut : dehors les matamores du Moi-j’ai dit. Parce qu’elle rejette toute espèce de partialité, l’Intégration est, par excellence, le référentiel des interdits : là où se façonnent, avant de se figer en rites incompris, les pratiques du Sacré. Et, confronté à la Loi du Seigneur, l’interdit Tu ne prédiras point n’a pas le sens punitif d’une bulle de Pape. Il avise que la prédiction est inutile car l’avenir, son application ou ses dispenses, ne relève en Intégration que de la Grâce. Dernière remarque : alors que certaines ambitions faustiennes courent après elle en multipliant jusqu’à l’absurde les données astrologiques, l’Intégration déborde l’astrologie. Ainsi, la plupart des concepts conditionalistes, s’appliquent à des identités et des comportements, abstraits ou concrets, qui ne disposent pas d’horoscopes. En ce sens, ceux qui marginalisent le conditionalisme n’ont pas entièrement tort puisque pour cette école tout ce qui se dégage de l’héritage et de la pensée astrologique conduit à la connaissance de structures au-delà de la dimension temporelle. Ce sont elles qui commandent le Temps.
8 – Pour repérer le style, les visées, les pourcentages des échecs et succès des prévisions astrologiques, après ces quatre référentiels, il faut considérer, non plus le terrain, le plus souvent non-formulé, mais la portée intentionnelle du prévisionniste. Vise-t-il le court terme du jour le jour, le moyen terme du bon an mal an, le lointain des décades ou des siècles ? Il va de soi que le prédicible varie, au moins chez l’astrologue, avec sa longueur de vue. A propos du 3e millénaire qui commencerait par l’ère du Verseau, on lit peu de prévisions sur la façon dont chacun(e) se vêtira, s’il faut craindre des grèves, de nouveaux impôts, des taxes non-fraternelles, des Présidents assassinés. De leur côté, les prévisions à court terme excluent les événements qui, pour commencer, demandent des mois, des années d’incubation, se développent à des rythmes changeants avant de finir quelquefois en quenouille… ce qui prend du temps. Crédible ou pas – ce n’est pas le problème – le court terme des horoscopes quotidiens impose à leurs rédacteurs-interprètes des catégories d’événements exclusivement probables dans un temps très court.
9 – Si l’on a compris ce qui précède, il devient logique et capital de classer les planètes selon leurs durées. Ce que j’ai fait de façon plus systématique que la Tradition en attribuant :
– le court terme aux rapides : Lune, Soleil, Mercure, Vénus.
– le moyen terme aux planètes supérieures jusqu’à Saturne, soit : Mars, Jupiter, Saturne.
– le long terme aux trans-Saturniennes : Uranus, Neptune, Pluton.
Par une représentation géométrique simple de cette subdivision, j’ai montré que le temps astrologique, fondé sur les cycles planétaires, n’est pas une chronologie linéaire : les fréquences des planètes lentes sont liées aux fréquences des rapides. Ce qui revient à une illustration du finalisme par la Condition solaire (adaptation, non pas à l’ouvrage mais aux cycles, causes et origines du système qui conditionne la vie terrestre). En référentiel Sujet, la tripartition astrométrique a sa réplique tripartite dans les mémoires neurophysiologiques. En référentiel Relation, les significations planétaires (Système RET) résultent d’une organisation cohérente des fréquences planétaires en résonance avec nos mémoires. Dans la limite où les deux systèmes, l’objectif et le subjectif, communiquent, l’avenir paraît virtuellement prévisible. En pratique, par l’astrologie ou l’intuition soutenue ou non d’objets et procédés divinatoires, l’avenir est très inégalement appréhendé.
10 – Les astrologues de ce demi-siècle, insuffisamment distants envers les modes, alors que l’astrologie est un savoir de l’inactuel, ont opté pour les révélations de la sensibilité personnelle. Il s’ensuit que les possibilités réelles de l’astrologie, en tant qu’art ou science de la prévision, nous sont inconnues, faute d’esprit réellement astrologique et de recherche dans le référentiel adéquat. Puisqu’il s’agit de prévoir, il s’agit de savoir ou tenter de savoir en quoi, comment le Temps et nos mémoires contiennent suffisamment d’avenir prédicible. Comme signalé ci-dessus, j’ai contribué à cette recherche sur le Temps par une démonstration chiffrée des relations couplées entre les cycles planétaires. Ces relations entre court terme, moyen et long terme entraînent qu’il faut repenser la chronologie, notamment celle du développement humain (théorie des âges) fondé sur la suite des cycles.
Jean-Pierre Nicola (1995)
Article paru dans le N° 25 des Cahiers conditionalistes (4e trimestre 1995).
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