Les études statistiques en astrologie sont nombreuses. Elles répondent au désir de pouvoir apporter une validation sous caution scientifique à un fait mal établi et non reconnu. Beaucoup d’astrologues se contrefichent de l’aval scientifique – ils se suffisent des fruits tout subjectifs de leurs pratiques sans les soumettre au feu de la critique objective -, d’autres ne retiennent des statistiques que les résultats positifs qui arrangent leurs discours ou en donnent du poids. Enfin, certains astrologues restent critiques quant à la validation statistique, et d’autres encore la rejettent en bloc, car étrangère selon eux, à l’essence toute poétique de leur art.
Lors du dernier Colloque organisé par le COMAC, Astrologie : une Science en Marche (1), j’ai abordé et présenté les difficultés liées à l’utilisation des statistiques en astrologie :
1) D’une part, les hypothèses de causalité linéaire simpliste (tel paramètre, telle cause, tel effet) ne me semblent par correspondre au fait astrologique qui met en cause un réseau de relations complexe entre le Ciel et l’Homme. Toutes statistiques testant des paramètres isolés prélevés arbitrairement ou sans précaution dans le réseau complexe du thème astral sont aberrantes. Elles ignorent et mettent d’entrée de côté les nombreuses interférences entre les facteurs horoscopiques du thème (interférences Planètes-Signe, Planètes-Secteurs, Aspects interplanétaires, etc.). De plus, elles négligent les facteurs extra-horoscopiques qui peuvent modifier considérablement le pouvoir de réponse du récepteur humain. En somme, la plupart des statistiques testent l’émetteur (le ciel et ses paramètres) sans le corréler au niveau de sensibilité du récepteur (intelligence, créativité, conditionnements culturels, familiaux, socioprofessionnels, etc.).
2) D’autre part, la plupart des hypothèses sont formulées sans s’appuyer sur une théorie cohérente de l’astrologie. Ce qui rend problématique l’interprétation des résultats. A tel point, que l’interprétation de certains résultats peut apparaître encore plus hypothétique que l’hypothèse à valider (quand elle existe).
Le terrain de l’expérimentation statistique est, on le voit, semé d’embûches. Et, si toutes les précautions qu’il se doit (fiabilité des tests, des instruments, des échantillons, etc.) ne sont pas assurées pendant l’étude, les résultats statistiques porteront le flanc à de trop nombreuses critiques qui leur amputeraient tout espoir d’une quelconque crédibilité. D’autant plus qu’une grande question en forme de boutade anti-astrologique a été soulevée hier par le biologiste et moraliste Jean Rostand : «si les statistiques prouvent l’astrologie alors je ne crois plus aux statistiques». Pour ma part, je vois dans cette affirmation provocatrice, une manière subtilement scorpionesque (Jean Rostand est natif du Scorpion avec un amas de 5 planètes dans ce Signe) de poser le problème de l’adéquation entre l’outil de recherche et la nature du fait à établir. Jean Rostand n’a peut-être pas tord. Les statistiques sont-elles adaptées à la nature du conditionnement astrologique ? Cette question mériterait une réflexion approfondie de la part des chercheurs en astrologie, car si Jean Rostand se trompe, l’astrologie quant à elle attend toujours une validation exemplaire et sans reproche par les statistiques….
Mme Suzel Fuzeau-Braesch, docteur en Biologie, a présenté, lors de ce colloque, une étude statistique sur la sociabilité et le ciel qui m’inspire plusieurs remarques critiques. Mais d’abord en quoi consiste cette étude. Selon l’auteur : « L’expérience met en évidence des variations de scores de sociabilité, issus d’un test psychologique, selon la date de naissance des individus. Une variation reliée d’une part aux saisons en justifiant les divisions zodiacales, d’autre part à un facteur, sinusoïdal, de nature inconnue (c’est moi qui souligne) dont on peut trouver une analogie en astronomie avec l’évolution annuelle de la vitesse radiale de la Terre (sans y voir, évidemment une relation démontrée) (2)».
Lors de mon intervention, j’ai abordé les problèmes de validité liés à l’utilisation de tests psychologiques durant les expérimentations. En effet, un questionnaire mal conçu peut introduire un biais pouvant interférer avec les résultats et affecter la validité interne de l’expérimentation. Ce phénomène est connu sous le nom d’effet d’instrumentation. Il concerne l’instrument de recueil de données mais peut également concerner « un enquêteur mal formé ou un chercheur incompétent lorsque le rôle de l’interprétation est important dans la recherche (3)».
Mme Suzel Fuzeau-Braesch nous dit avoir utilisé le test psychologique d’Eysenck-Wilson qui permet d’analyser spécifiquement la sociabilité des individus. Sans vouloir douter de ses compétences scientifiques, peut-on être certain que ce test la met à l’abri d’un effet d’instrumentation ? Difficile à dire, car l’auteur nous donnant aucune précision sur ce test, nous devons par conséquent admettre sa fiabilité. Cependant, nous sommes en droit de nous interroger sur la nature de la sociabilité que mesure ce test. Existe-t-il une seule définition ou une même forme de sociabilité ? Entre la sociabilité naturelle et spontanée et la sociabilité apprise et volontaire existent diverses variantes qui ne sont peut-être pas représentables par une seule et même variable étiquetée « Sociabilité ». Il serait souhaitable, de notre point de vue, de reproduire l’expérience en utilisant d’autres tests psychologiques tout aussi fiables, et de comparer les résultats. Et là encore, afin de pouvoir s’assurer d’une validité interne irréprochable, il serait souhaitable d’interroger une seconde fois les mêmes individus à deux mois d’intervalle, pour éliminer tout effet de test.
Ceci dit nous sommes tout à fait conscient de la difficulté de mener parfaitement une expérimentation, cela demande des moyens importants et la recherche astrologique butte rapidement sur la question du financement. Nos diverses associations (COMAC, AEDAC, ARIANA) n’ont pas suffisamment de ressources pour autofinancer la recherche même si ici et là quelques initiatives semblent se manifester dans cette direction depuis quelques mois (4).
L’étude menée a été faite sans hypothèse préliminaire. Certes, on pourra objecter que seul compte le résultat obtenu. Mais, il nous semble toutefois préférable pour démontrer valablement qu’une corrélation existe entre une variable de réponse (ici la sociabilité) et une variable externe et explicative (là le phénomène saisonnier) qu’une hypothèse de travail puisse être avancée avant étude. Cette l’hypothèse assure que l’on attend un certain résultat, et évite que le résultat de l’étude puisse être interprété à la fausse lueur de n’importe quelles variables explicatives « tombées du ciel ». Car il est admis que « le simple fait de trouver croisées deux variables suggère l’existence d’une relation entre elles et oriente l’analyse vers l’explication de cette relation (5) ».
Mme Fuzeau-Braesch prétend « justifier les divisions zodiacales » (premier résultat) et propose une relation astronomique (mais non explicative) avec la vitesse radiale de la Terre (deuxième résultat). En effet, le traitement des scores de sociabilité par découpage en mois zodiacaux (position du Soleil à la date de chacun des individus de la population) fait apparaître une alternance qui lui permet de justifier la polarité paire et impaire des signes. Et le découpage en mois civils et zodiacaux fait apparaître également une sinusoïde plus ou moins significative.
Au vu des remarques précédentes, il est vraiment dommage que ce résultat d’étude ne soit pas attendu par une hypothèse de travail. D’autant plus qu’il écarte l’explicative de l’évolution annuelle de la photopériode de nature pourtant sinusoïdale (voir la Condition Solaire et les nombreuses recherches en ce domaine publiées par le COMAC).
Est-ce par ignorance des travaux conditionalistes que Mme Fuzeau-Braesch écarte l’explicative de la photopériode. Hypothèse peu plausible puisque la plupart de nos publications de recherche (Cahiers Conditionalistes, Eléments de Cosmogonie astrologique et autres ouvrages) lui ont souvent été adressées sur sa demande. Quoiqu’il en soit l’auteur écrit pourtant dans les résultats de son étude que l’alternance zodiacale démontrée « évoque bien évidemment aussi, les bases théoriques du système RET de Jean-Pierre NICOLA » ! ? Mais il doit s’agir là d’une malencontreuse erreur, puisque le R.E.T. n’a aucun rapport avec le zodiaque. Et il nous semble peu probable que Mme Fuzeau-Braesch puisse confondre les bases théoriques du R.E.T. (représentable par une courbe hyperbolique) avec celles du zodiaque photopériodique et réflexologique (représentables par une courbe sinusoïdale) qu’elle connaît maintenant très bien.
Si l’auteur écarte l’hypothèse photopériodique c’est essentiellement en raison de la non superposition de la courbe de la sociabilité obtenue par le test à celle d’une évolution photopériodique. En effet Mme Fuzeau-Braesch explique que « cette courbe sinusoïdale ne correspond à aucun phénomène évident, comme celui de l’évolution de la photopériode, laquelle ne peut pas s’y superposer ». Ce raisonnement est tout à fait surprenant, car comment un phénomène aussi complexe que le conditionnement astrologique pourrait-il être validé par la simple superposition formelle du résultat d’un test qui semble ultra simpliste (en tout cas qui aboutit à la mesure qualitative d’une seule variable « sociabilité » à partir d’un quantitatif de plus de 630 questions) et de la représentation d’un phénomène périodique de quelque nature qu’il soit ?
A la recherche d’une identité parfaite, l’auteur remarque donc une «analogie» entre la courbe de sociabilité et celle de la vitesse radiale de la Terre. Il y a une vingtaine d’année l’astrologue G. L. Brahy (6) avait déjà fait allusion à la vitesse radiale de la Terre comme cause possible d’un effet astrologique. Mais cette hypothèse qui semble pointer un effet électromagnétique n’a jamais donné de résultats probants. En cherchant un peu, il doit même être possible de trouver beaucoup d’autres courbes superposables de nature sinusoïdale. Notre environnement naturel (terrestre et céleste) ainsi que notre milieu interne possèdent on le sait de multiples variables périodiques en interdépendance. Scientifiquement, l’hypothèse de la photopériode ne peut donc pas être écartée par la démonstration de l’auteur. Bien au contraire, et de façon plutôt inattendue, le résultat de son test pourrait apporter des arguments en sa faveur.
En effet, selon les définitions conditionalistes, l’arc nocturne synonyme de non présence nous sensibiliserait aux valeurs socio-culturelles alors que l’arc diurne synonyme de présence nous sensibiliserait davantage aux valeurs tangibles et immédiates du moi. C’est pourquoi, si nous devions comparer la courbe de sociabilité, nous le ferions non pas par rapport à la courbe diurne de la photopériode mais par rapport à la courbe nocturne (voir illustration ci-dessous). En dérivant celle-ci nous obtenons en pointillé non plus la courbe des durées mais la courbe du taux de croissance de l’arc nocturne. Courbe sinusoïdale s’il en est, et de surcroît, parfaitement superposable à la courbe de sociabilité : avec un maxima pour le signe de la Balance et un taux de croissance positif pour les signes compris entre le Cancer et le Sagittaire inclus (l’arc nocturne commence sa croissance à partir du Cancer et entame sa décroissance à partir du Capricorne)
Or, l’accroissement de l’arc nocturne (corrélée à la vitesse d’inhibition) est lié en conditionalisme à la sociabilité. Ce qui est surtout vrai pour les Signes de la Balance, du Scorpion et du Sagittaire marqués par la prépondérance de l’arc nocturne sur l’arc diurne (comme le montre les durées supérieures à 12h00 de la figure). Il est donc frappant de constater que la courbe des scores de sociabilité est positive pour les mois zodiacaux qui correspondent à ces Signes. Loin d’évacuer l’explicative de la photopériode les résultats obtenus par Mme Fuzeau-Braesch la renforcent au contraire, par le biais des bases théoriques du Zodiaque photopériodique de l’école conditionaliste. Curieuse ironie du sort, s’il y en avait une ! Un conditionaliste aurait pu prévoir ces résultats en formulant une hypothèse à partir des bases théoriques du zodiaque (à savoir la vitesse d’inhibition et la croissance de l’arc nocturne).
Sur la base de cette étude et afin de prendre en compte les différentes remarques critiques exprimées il serait souhaitable de :
– redéfinir la variable Sociabilité. En accord avec les bases théoriques du zodiaque photopériodique et réflexologique il nous semble même possible de préciser le type de sociabilité qu’il serait souhaitable de tester. Il va de soi que la redéfinition de la variable sociabilité entraîne de devoir repenser le test de sociabilité en accord avec les typologies astrologiques (formules réflexologiques et R.E.T. par exemple)
– prendre en compte, en s’appuyant sur les bases théoriques du R.E.T., les interférences des familles planétaires sur la variable sociabilité définie précédemment. En effet, une famille « R » (Soleil, Vénus, Mercure) dominante prédispose les individus à une communication libre et spontanée. Inversement cette même famille planétaire figurant en queue de peloton de la hiérarchie des puissances planétaires prédisposerait davantage les individus concernés à une difficulté pour rentrer spontanément en relation avec autrui. La sociabilité est donc conditionnée par plusieurs facteurs astrologiques : un facteur zodiacal et un facteur planétaire. Toutes statistiques testant l’un sans l’autre seraient par conséquent ‘bancales’.
La prise en compte de ces deux points aurait au moins le mérite d’améliorer les résultats de l’étude, donc de montrer de façon plus nette la corrélation entre la sociabilité et la photopériode (taux de croissance de l’arc nocturne du Soleil, plus précisément).
L’auteur propose en fin d’étude de répliquer l’expérience en hémisphère Sud. A mon sens il semblerait plus judicieux de la répliquer en zone équatoriale où l’alternance jour-nuit est invariable. Le paramètre photopériode ne serait plus une sinusoïde mais une simple droite. Qu’elle serait alors l’allure de la réponse sociabilité ? Une simple droite ou bien une sinusoïde ? Les recherches conditionalistes favoriseraient l’hypothèse d’une réponse sinusoïdale en accord avec la structure rythmique de la plupart des horloges internes. En l’absence du synchonisateur photopériodique il serait intéressant d’observer sur quel paramètre externe de l’environnement la sociabilité se synchronise. Vitesse radiale de la Terre, déclinaison solaire, activité solaire, … ?
Enfin, il est clair que l’analogie établit a posteriori par Mme Fuseau Braesch entre la sociabilité et la vitesse radiale de la Terre n’apporte rien à la théorie astrologique. Ce qu’elle admet d’ailleurs puisqu’elle nous dit ne pas avoir démontré de relation entre ces deux variables. Si bien que l’on comprend encore moins comment l’influence de la vitesse radiale de la Terre – non démontrée et non expliquée – peut chasser aussi rapidement l’hypothèse d’une influence photopériodique – confirmée pourtant par son étude comme nous venons d’en faire la démonstration. D’autant plus que les effets de la photopériode sur les organismes vivants dont ne doutent plus les chronobiologistes semblent se présenter comme un enjeu de taille pour la reconnaissance à venir de l’astrologie comme véritable « Science en marche ».
1- Astrologie : Une Science en Marche , Actes du colloque organisé au Fiap, 7 juin 1997, ed. COMAC.
2- Ibid.
3- Evrard, Pras B. Et Roux E., Etudes et recherches en marketing, Nathan, 1993, p.66.
4- L’AEDAC vient d’ailleurs de mettre en place un fonds (dérisoire) de recherche qui sera alimenté par le produit des ventes du logiciel Azimut35 que l’association distribue depuis plusieurs années. Une partie de ce fonds sera reversé au COMAC pour mener à bien ses objectifs de recherche.
5- Besson (Luc), » La tentation du mode d’emploi »
6- Pour mieux comprendre l’astrologie, Dervy-Livres, 1973, p. 99.
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